Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 3.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’entendre répéter chaque jour que a la société libre a fait faillite, qu’elle est une chimère, » — et que la forme la plus parfaite de société est celle où le travailleur est l’esclave de celui qui vit par le trafic exercé sur les produits de la sueur et du travail d’autres êtres créés comme lui à l’image de leur Créateur, et ayant un droit égal au sien de réclamer la libre application de leurs forces de la manière qui peut sembler la plus convenable pour les mettre en état de s’entretenir eux, leurs femmes et leurs enfants. La croyance que l’esclavage est d’origine divine doit naître et se fortifier dans toute société ou le trafic acquiert du pouvoir aux dépens du commerce.

§ 12. — Plus la circulation s’accélère, plus il y a de force produite. Accroissement de force dans tous les pays qui suivent l’enseignement de Colbert ; déclin dans tous ceux qui adoptent les doctrines de l’école anglaise.

Plusieurs écrivains, tant Anglais que Français, ont nié les avantages qui découlent de la division de la terre. — Les progrès de l’agriculture, nous disent-ils, montrent le bénéfice à tirer de sa consolidation. La question roule sur une coquille de noix. Le meilleur système est celui qui développe le mieux la rapidité de circulation, — car il est celui qui donne la plus grande somme de force. Sur la terre divisée, chaque petite ferme devient un fond d’épargne pour le travail, applicable à l’instant avec profit. Sur la terre consolidée, le journalier remplace le petit propriétaire avec une perte continue de force. — En effet, nous avons dès lors le travailleur donnant au cabaret un temps qu’il aurait donné à sa petite ferme ; — le grand fermier épargnant sur le produit de ses récoltes de quoi acquitter son fermage ; — et le maître dépensant son revenu à acheter des chevaux et des chiens, tandis que sa terre reste improductive faute d’amendements. Dans ces circonstances la circulation perd de jour en jour en vitesse, et la force décline. La terre se consolide dans l’Inde, en Irlande, à la Jamaïque, au Portugal, en Turquie, les plus faibles sociétés du monde. Elle se divise de plus en plus, et la circulation gagne en vitesse en France, en Belgique, au Danemark, en Suède, en Allemagne, en Russie, les sociétés de l’Europe qui sont en progrès. Jusqu’à ce que l’on ait démontré qu’il existe une loi pour l’Angleterre et une autre loi pour tout le reste du monde, il faut admettre que plus est rapide la circulation de la propriété fixée, et plus la force sera grande.

§ 13. — Désaccord entre Adam Smith et les économistes anglais modernes. L’un regarde le commerce comme le serviteur de l’agriculture, les autres visent à faire du trafic le maître du mouvement sociétaire.

On nous dit : sans capital point de progrès possible. Mais, est-ce que ce capital qui est si fort exigé ? Le petit propriétaire se nourrit lui et sa famille, — il consomme du capital. L’acte de