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il n’y a pas à en douter. Que celui-ci à son tour provienne de la nécessité de dépendre des marchés lointains, cela est tout aussi certain. L’homme qui doit aller au loin avec ses produits, ne peut cultiver les pommes de terre, le foin et les turneps. Il doit récolter des denrées moins encombrantes, le blé, le coton, — il enlève à son sol tous les éléments dont elles sont composées, et puis l’abandonne[1]. Forcé ainsi de jouer son existence sur le succès d’un seul genre de récolte, il se trouve dans la privation complète du pouvoir de s’associer avec ses semblables pour des opérations de drainage, ou pour tout autre qui l’assurerait contre les risques qui naissent de la variation du temps. Tant qu’il n’est lui-même que l’esclave de la nature, la conséquence fatale pour le travailleur est d’être partout l’esclave de son semblable.

Plus le planteur est dans la dépendance des marchés étrangers, et plus sa production tend à décroître en quantité, — et le prix tend à s’avilir, — et plus il y a tendance à l’épuisement du sol, à l’expulsion de la population, et au décroissement de rapidité de circulation.

Ce que nous venons de constater pour les États du Sud est généralement vrai pour toute l’Union. Au commencement du siècle, sa population totale était de 5.300.000 âmes, — ce qui donne le chiffre moyen de 6.47 par mille carré. Un demi-siècle après, le chiffre a quadruplé, — il monte à 23.190.000 âmes. Le territoire cependant s’étant accru dans la même proportion, la densité de population n’a que peu changé, — elle est de 7.90 par mille. Dans la première période, le territoire occupé s’étendait peu au-delà de la chaîne des Alliganys, — le territoire non occupé se trouvant dans la même proportion à peu près qu’aujourd’hui. Si l’on tient

  1. Le nord de l’État de New-York a probablement les meilleures terres du monde, et cependant on y discute cette question : qu’on sera peut-être forcé d& renoncer à la culture du blé. On a à lutter contre les ravages incessants du charançon et de la mouche hessoise. La cause en est dans la faiblesse de la plante qui manque de l’élément qu’elle doit s’assimiler et qui est l’ammoniaque. — Comme celui-ci se trouve abondamment dans le trèfle, les pois, les fèves, les betteraves, les artichauts, les lupins et d’autres végétaux, on recommande cette culture comme pouvant remédier promptement au mal. Mais par malheur le marché est loin et les produits que la terre donnerait largement ne supporteraient pas les frais de transport. Créez un marché sur le lieu même, et le fléau des insectes disparaîtra, — le pouvoir de l’homme sur la nature croissant toujours en raison de l’accroissement du pouvoir de combinaison.