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la Richesse des nations. À partir de cette époque, cependant, toutes les tendances prennent une direction opposée. — La prohibition de l’émigration est suivie de différentes lois qui interdisent aux mécaniciens de fournir aux nations étrangères un outillage qui pût servir à mettre leurs produits en état de circuler chez elles-mêmes, affranchis de l’obligation d’être apportés aux usines anglaises ou de passer par les mains de marchands anglais ou d’ouvriers anglais. On se proposait d’arrêter la circulation au dehors en arrêtant la circulation intérieure ; et, autant que cela se puisse faire à l’aide des lois humaines, la fin du siècle vit l’opération accomplie.

Soixante-dix ans auparavant, la guerre de 1756 s’était terminée par le traité de Paris ; — elle avait dans son cours établi le pouvoir de l’Angleterre dans l’Inde, doublé l’hypothèque sur la terre et sur le travail du royaume, — et porté le chiffre de la dette nationale de 72 à 146 millions livres sterling. La classe des porteurs d’annuités s’était accrue dans le rapport naturel avec le nombre accru de généraux, d’amiraux et de négociants, — tous gens qui désirent que le travail soit à vil prix et que l’homme, ait peu de valeur. Tous aussi tirèrent profit pour le moment de l’arrêt de la circulation ; — plus le mouvement sociétaire est lent et plus s’accroît la proportion de leurs revenus comparés à celui de la société en masse. La nouvelle dette augmenta de beaucoup le montant déclaré saisissable dans le trajet du producteur au consommateur—et par là s’accrut la proportion du capital flottant au capital fixé, au désavantage à la fois de la terre et du travail.

Survint la guerre de 1793, la fin du siècle vit doubler de nouveau le montant de ce qui est déclaré saisissable, — l’intérêt de la dette ayant grossi et passé du chiffre de 10.000.000 de livres à celui de 20.000.000 de livres. Ce fut alors que l’effet du manque de circulation du travail et de ses produits se manifesta par un accroissement du paupérisme, le manque de subsistances, la consolidation de la terre et l’invention de la monstrueuse, antichrétienne et non philosophique doctrine de l’excès de population. La production de grains, de pommes de terre, de turneps ne croissant qu’en proportion arithmétique, tandis que l’homme se multiplie, selon M. Malthus, en proportion géométrique, il lui sembla que les guerres, les pestes et les famines doivent être un effet de la prévision du Créateur pour corriger ce premier besoin de la nature de