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et de la liberté de l’homme, tandis que décroît d’une manière continue la valeur de la propriété matérielle qui naguère était estimée comme la seule richesse. L’esprit acquérant par degrés le pouvoir sur la matière, la force intellectuelle prend le pas sur celle qui n’est que musculaire — et l’homme est moins l’esclave de la nature et de ses semblables. Les villes deviennent dès lors des places de refuge — pour les hommes qui avaient été tenus en esclavage, et qui cherchent dans l’association avec leurs semblables le libre exercice des facultés qui les distinguent de la brute.

À chaque degré du progrès, l’individualité se développe davantage — les hommes qui n’avaient eu jusqu’alors d’autre occupation que le labourage deviennent charpentiers, maçons, meuniers, et circulent l’un chez l’autre, affranchis de l’obligation de demander la permission de leurs maîtres. Les divers produits de la terre sont de plus en plus utilisés, la valeur des utilités décroît, tandis que s’élève celle de la terre et de l’homme — l’esclave devenant libre et son ancien maître le propriétaire devenant riche — et la belle harmonie des lois naturelles s’établissant de la sorte :

§ 3. — La vitesse de circulation croît en raison directe de la tendance du capital à passer à l’état fixe et immobilier. Exemples fournis par l’histoire.

La circulation devient plus rapide à mesure que l’homme acquiert plus de liberté. L’homme acquiert plus de liberté à mesure que la terre se divise davantage. La terre se divise à mesure que la richesse s’accumule et que la terre elle-même acquiert de la valeur. La rapidité de circulation est par conséquent en raison directe de la tendance du capital à se fixer et s’immobiliser.

Pour nous en convaincre, considérons l’Angleterre à l’époque de Cœur de Lion, alors que les serfs étaient à peu près la seule propriété. Gurth jouit du privilège de circuler parmi ses semblables, en considération de ce qu’il porte un collier attestant qu’il est le serf-né de Cédric de Rotherwood. Cédric lui-même mange sur une table formée d’ais à peine ébauchés, dans une chambre à demi pleine de fumée, protégée contre la pluie par un toit assez semblable à ceux des plus pauvres porcheries modernes — de quelques planches grossières que recouvre un chaume[1].

  1. Ivanhoé, vol. I, ch. 4. Comme reproduction au XIXe siècle des mœurs de la vieille Angleterre, voici la description d’une cabane d’une plantation de la rivière Rouge, où se récolte par année 60 balles de coton, c’est-à-dire une valeur d’environ 3.000 dollars:
      « L’habitation était une petite cabane carrée construite en troncs d’arbres avec