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nous trouvons qu’il n’y a que le premier pas qui coûte — le canal réalise une telle économie de travail qu’il a très-largement les moyens de construire un chemin de fer qui le transporte lui et sa marchandise à si bon marché, que sa terre et son travail en acquièrent une valeur triple.

L’école est loin, ses enfants sont exposés à manquer d’instruction ou doivent dépenser beaucoup de temps pour y aller. Il voit qu’autour de lui abondent les matériaux dont on bâtit les maisons ; il propose à ses voisins de donner, une fois pour toute, leur temps pour en construire une. Ils économisent par là le travail qui était nécessaire pour amener leurs enfants au lieu où l’instruction se donnait et dès lors le prix de l’instruction s’abaisse et dix fois plus d’enfants en pourront profiter.

Le marché est loin, il est condamné à subir des frais de transport pour sa laine et son blé qu’il veut échanger contre du drap. Il regarde autour de lui et voit que la nature lui fournit les mêmes forces précisément que celles dont se servent les fabricants qui sont loin. Le bois ou la houille donneront autant de chaleur, le minerai donnera du fer d’égale force. Il propose à ses voisins de s’unir et de construire, une fois pour toutes, un haut-fourneau par lequel passeront ce minerai et cette houille ; les ouvriers du haut-fourneau consommeront le blé qui maintenant se porte au marché qui est si loin — on aura mis un terme, une fois pour toutes, à la nécessité de ces transports.

Le fer obtenu, notre homme suggère à ses voisins que la vapeur filerait et tisserait le coton auprès d’eux tout aussi bien qu’elle le fait ailleurs ; que la pierre, le bois, la chaux abondent, enfin tout ce qu’il faut pour économiser le travail quotidien du transport ; ils n’ont, une fois pour toutes, qu’à s’unir pour construire un bâtiment et tirer de l’étranger quelques machines et la science de s’en servir. Bientôt il leur dit : « L’occupation nous manque à nous-mêmes la moitié du temps, nos enfants n’en ont aucune. Trop faibles pour le travail des champs, ils trouveraient dans les opérations d’une usine quelques tâches moins rudes. U y a plus : les intelligences de notre population ne sont pas développées ; faisons qu’on les forme et bientôt, avec des mécaniciens éclos parmi nous, peut-être serons-nous en état d’en remontrer à ceux chez qui nous devons aujourd’hui aller chercher la science. Nous laissons se perdre chaque jour