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par les mains du marchand de services humains ou du marchand d’utilités avant d’être distribués, — tandis que de son côté le travailleur est obligé de les envoyer à un marché lointain avant de pouvoir les échanger. Dans un tel état de choses, presque toute la propriété est mobile.

Le chef guerrier impose à ses sujets de lourdes taxes qui sont appliquées à l’entretien de ses armées, de sa famille et au sien propre. La totalité passe des provinces lointaines dans son trésor central, où elle reste sous la forme de capital non fixé ; tandis que si son peuple n’avait point à acquitter de telles taxes, la presque totalité de ce capital se serait fixée sous la forme d’améliorations dans les petites fermes.

Le marchand crée des obstacles à tous les échanges qui ne passent pas par lui. — Plus il sépare le consommateur et le producteur, plus il s’écoule de temps entre la production des utilités et de leur consommation, et plus s’accroît la proportion du capital flottant comparée au capital fixé. Plus il y aura de coton, de grains, de sucre emmagasinés et attendant la demande, plus s’accroîtra sa part dans le prix de leur vente, et plus il pourra acheter de vaisseaux et de canons qui lui permettront d’imposer ses prétentions ; mais plus tombera la valeur de la terre en proportion de ces exigences.

L’homme qui émigre pour l’ouest achète de la terre bon marché, mais ses chevaux, son bétail, son chariot, son mobilier lui ont coûté cinq fois davantage. Le marché étant loin où envoyer ses produits, il paye le service d’autres chevaux, de charrettes, baquets, navires ; — la dépense de tout ce capital circulant se monte si haut que sa terre continue à ne valoir que peu. Le serrurier, le charpentier, le meunier, le fileur, le tisserand, viennent s’établir à côté de lui, et dès lors il a un marché plus immédiat pour ses produits, — ce qui donne à sa ferre une valeur qui représente trois fois le capital mobile[1].

  1. Les chasseurs de la rivière Rouge sont au nombre d’environ 2.000, avec 3.000 femmes et enfants. Ils ont environ 1.800 chariots qui circulent de la vallée de la rivière Moose à la rivière Rouge du nord. Chaque année, en juin et juillet et puis en octobre et novembre, ils transportent à l’établissement de Pembina et sur le territoire anglais au moins 2.500.000 livres de viande de buffle séchée ou sous forme de pemmican. Il n’y a là aucun capital fixe, et c’est la condition ordinaire de la vie à demi-sauvage.