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des lois tendant à traverser les fins de la création de l’homme.

Aux réformateurs, que la nature travaille toujours lentement et sans bruit, lorsqu’elle désire que l’homme tire profit de son action, et que l’homme doit faire de même, — et qu’un des préceptes les plus sages est exprimé par ces deux simples paroles : festina lente[1].

Aux hommes d’état, que pouvoir et responsabilité marchent en se donnant la main, que leur action doit décider la grande ques-

  1. « La pure autorité, dit Shiller, va au but en ligne droite et rapide comme le boulet, mais détruisant tout dans sa course et même le but qu’elle atteint. La ligne que suivent les usages est autre et battue par la vieille pratique de la vie. C’est un sentier qui serpente le long de la rivière ou dans la prairie, et qui arrive sûrement quoique lentement à la destination. C’est, ajoute-t-il, la route par laquelle voyagent les bénédictions. »
      « Nous avons de fréquents exemples de cette vérité dans notre législation. Il y a une législation qui modifie, qui réforme, qui innove, mais tout cela après examen débattu, une enquête lente et circonspecte, et consultation en tout lieu où l’on puisse recueillir lumière et connaissance. Il y a aussi une législation de théorie pure, — quelquefois la théorie du J3ur raisonneur de cabinet, — beaucoup plus souvent celle d’une autre sorte de théoricien qui se qualifie praticien, parce qu’il tire à la hâte ses règles générales de sa propre étroite et simple expérience (étroite par cela même qu’elle est simple) comme juge, avocat ou législateur. Une telle législation, lorsqu’elle prescrit de grandes et permanentes règles d’action, ressemble au chemin de fer d’un ingénieur de demi-savoir qui court droit à son but par monts et par vaux, à travers forêts et marécages. Sans tenir compte des obstacles naturels ni des usages et besoins des affaires humaines, il va droit et par le plus court ; mais il fait un gaspillage énorme d’argent au mépris du droit privé et de la convenance publique.
      » Un procédé plus sage et meilleur est celui qui, en adoptant les améliorations de la science moderne, les applique avec habileté dans la direction que l’expérience a montré être la plus facile, ou que le temps, l’usage, ou même un hasard, a rendu familière et par conséquent convenable. Cette route contourne les montagnes, longe les marais, longe le village ou le lieu de débarquement, respecte l’habitation et le jardin, et même les vieux ombrages héréditaires et tous les droits sacrés de la propriété. C’est la route sur laquelle la vie humaine se meut facile et joyeuse, sur laquelle « les bénédictions vont et viennent. »
      » Faisons ainsi cette route sur laquelle la justice puisse accomplir son circuit régulier et bienfaisant à travers le pays. — C’est le caractère que nous donnerons à notre jurisprudence si nous abordons la tâche sainte de la réforme légale avec un esprit élevé, — si nous l’abordons non en furieux, mais avec vénération, — sans orgueil ou préjugé, — libres surtout de ce préjugé qui s’attache à tout ce qui est vieux et détourne de toute amélioration, et de cet orgueil d’opinion qui, drapé dans une sagesse rêveuse, dédaigne de mettre à profit tant l’expérience de notre époque que les souvenirs des générations passées. » Verplank. Speech on Judicial Reform.