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somption doit être flétrie comme une révolte contre le suprême gouvernement de l’univers[1]. »

Partout vous rencontrez la preuve que la nécessité de l’application d’intelligence à coordonner les mouvements des différents membres du corps sociétaire augmente avec l’augmentation de richesse et de population, et que plus l’exercice en est sage, plus la production augmente, — plus l’accumulation marche vite, — plus la distribution devient équitable, — plus augmente la durée de vie, — plus se perfectionne le développement des centres locaux d’action, — plus il y a tendance à la formation d’une saine moralité, au développement de l’homme véritable, maître de la nature et de lui-même[2].

Vous souvient-il, dans les Mille et une Nuits, d’un vaisseau porté par un courant tellement près d’une roche d’aimant que tous les ferrements vont s’y attacher — et qu’il tombe par pièces ? — C’est le sort qui attend toute communauté où le développement industriel n’est point encore accompli et qui pourtant adopte la doctrine du laisser-faire. Les manufactures jouent dans la machine sociale le même rôle exactement que les ferrements du vaisseau. La Turquie et la Jamaïque, l’Irlande et l’Inde ont été forcées de l’adop-

  1. Lalor. Money and Morals, p. 135.
  2. Selon toute apparence, la question des chemins de fer est destinée bientôt à fournir des faits de haute importance relativement à la nécessité d’un exercice continu des pouvoirs sociétaires. Leur construction tend à anéantir la concurrence pour le service de transport, — et à créer ainsi des monopoles qui peuvent devenir très-vexatoires. Dans l’Europe continentale, généralement, les sociétés ont en conséquence jugé nécessaire d’exercer une sage discrétion par rapport aux routes à construire, — et de conserver le pouvoir de contrôler les tarifs. Il en est résulté qu’avec des charges modérées, ils ont, à peu d’exceptions près, été profitables pour tout le monde, — donnant de bons dividendes à leurs actionnaires, et facilitant les relations, ce qui a élevé la valeur à la fois de la terre et du travail. Dans la Grande-Bretagne, au contraire, on a pensé que, dans l’intérêt de la communauté, il fallait favoriser la plus large concurrence pour la construction. Il en est résulté concurrence ruineuse à un moment et de hauts tarifs à un autre, perte générale pour ceux qui ont construit les chemins, — expulsion de la population et consolidation de la terre. Comme remède, les compagnies sont occupées à créer une sorte de congrès, — un imperium in imperio, qui probablement, d’ici à peu, exercera une forte influence sur la législature du pays.
      Il en est de même, aujourd’hui, dans nos États-Unis. Les compagnies de chemins de fer dominent déjà la législature de plusieurs États. Le jour d’une combinaison générale n’est point encore venu, mais tout montre qu’il approche. Alors on aura une nouvelle preuve du fait que, de tous les gouvernements, le plus ruineux et le plus vexatoire est celui de la classe des transporteuses.