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Passons aux zones glaciales ; chaleur, force, mouvement tout en décroissance jusqu’à ce qu’enfin on ne rencontre plus que le lichen dans le règne végétal et l’ours dans le règne animal. En concordance avec l’accroissement de population et de richesse la société montre un accroissement rapide de mouvement et de force, en même temps que s’accroît la promptitude avec laquelle la consommation suit la production et que s’accroît le pouvoir d’accumulation à quoi correspond une baisse dans la valeur de tout le capital qui a été accumulé. À chaque pas dans une direction contraire, nous voyons décliner le mouvement et la force, un affaiblissement du pouvoir d’accumulation, une hausse dans la valeur de toutes les accumulations précédentes ; c’est le spectacle que nous présentent la Turquie, la Perse et l’Inde, et toutes les sociétés du monde qui sont en décadence.

§ 2. — Le capital est l’instrument à l’aide duquel l’homme est en état d’approprier à son service les forces naturelles. Le pouvoir d’association s’accroît d’autant que l’homme acquiert plus d’empire sur l’instrument. Il décroît d’autant que l’instrument prend d’empire sur l’homme.

Qu’est-ce cependant que le capital ? Pour réponse nous renvoyons le lecteur au précédent chapitre, au cercle de production et de consommation : L’aliment consommé pour produire l’homme, l’homme produisant l’arc et le canot, ceux-ci produisant l’aliment, et l’aliment entretenant et développant les pouvons physique et intellectuel de l’homme. Pour qu’il ait mens sana, il faut en premier lieu corpus sanum. Les misérables Esquimaux tous absorbés à la recherche de l’aliment, ne donnent que peu de temps au développement des facultés qui distinguent l’homme de la brute dont il doit commander les services ; — aussi restent-ils très-peu au-dessus d’elle.

L’aliment consommé par Crusoé était un capital, le résultat d’un effort physique et intellectuel. A-t-il cessé d’être un capital ? Certainement non. Au contraire, il a assumé une donne plus élevée, celle de force physique et intellectuelle. Il reparaît sous la forme d’un arc, à la construction de laquelle cette force a été appliquée. Il reparaît de nouveau sous la forme d’un plus grand approvisionnement d’aliments de meilleure qualité — et, en permettant à l’homme de donner plus de temps et d’intelligence à l’étude de la nature et de ses forces, il favorise l’accumulation ultérieure de capital sous la forme de cette intelligence plus haute qui sert à l’homme à forcer l’eau et le vent de faire son travail, et à acquérir cette domination sur la nature qui constitue la richesse. Le capital est l’instrument qui sert à acquérir cette domination. Il existe à