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comme bétail, nous prenons la pire part de la barbarie et la pire part de la civilisation pour en composer un ensemble hétérogène. Nous élevons nos femmes pour être dépendantes » et nous les laissons sans quelqu’un de qui elles dépendent. — Elles n’ont personne, elles n’ont rien sur qui ou sur quoi s’appuyer, et elles tombent à terre. »

C’est là de l’esclavage et de la pire espèce, et plus le système se maintiendra, plus il deviendra oppressif ; — car le système a pour base, comme à l’époque d’Adam Smith, l’idée d’avilir le prix du travail et de toutes les autres matières premières pour les manufactures. Plus les prix sont réduits en Angleterre, plus il y aura tendance vers leur réduction en Amérique ; — il a été déjà déclaré que le seul remède à la détresse des ouvrières à l’aiguille était dans la réduction des salaires, « jusqu’au point de famine. » Plus ils sont réduits là, plus ils devront l’être en Angleterre ; la tendance du libre-échange moderne étant celle d’augmenter la dépendance du travailleur et de faire de lui un simple outil à l’usage du trafic, vérité que Hood a bien exprimée dans sa chanson admirable mais si pleine de mélancolie, « la Chemise ».

La colonisation étant, nous dit-on, le remède contre l’excès de population, on tente tous les efforts imaginables pour chasser l’excédant qui fait que la population est devenue une nuisance. Qui sont cependant ceux qui émigrent ? Les hommes, — et ils laissent derrière eux des femmes, des filles, des sœurs, qui se tireront d’affaire comme elles pourront. L’excédant de femmes sur la population mâle, dans la Grande-Bretagne, dépasse un demi-million et il doit augmenter, — la tendance complète du système étant de disperser les hommes dans l’espoir d’avilir par là le prix des denrées premières du sol, et d’obtenir l’effet d’augmenter partout la concurrence pour la vente du travail et des produits du travail[1].

Le monde ne présente pas de spectacle plus triste que la condition de la partie féminine de la population de la Grande-Bretagne. Celle des femmes du centre et du nord de l’Europe n’est nullement satisfaisante, mais, en établissant comparaison, il faut toujours se

  1. De 1839 à 1856, la criminalité des femmes, en attaques contre la personne, s’est élevée de 11.2 à 18 pour %, et en offenses contre la propriété de 26.9 à 30.8. Les femmes sont poussées à commettra le crime et transportées comme criminelles.