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pour tous les produits de leurs sols fertiles. L’absence de demande pour les subsistances ne peut que difficilement être admise comme preuve que la population tend à augmenter plus vite que les subsistances. Sur ce que Park attribue la fréquence des famines au manque de population, M. Malthus répond que ce dont ils ont réellement besoin, c’est « de la sécurité et de l’industrie qui vient ordinairement après elle ; » — et ici il a raison. La population augmenterait alors, et les famines disparaîtraient, la grande banque étant prête à faire honneur à tous les mandats que l’on peut tirer sur elle. Dans ce cas, cependant, qu’advient-il de la grande cause ?

En Égypte, « le principe d’accroissement, nous dit-on, fonctionne aussi bien qu’il puisse fonctionner ; — car il tient la population tout à fait au niveau des subsistances. » On expliquerait mieux le phénomène en disant que l’insécurité et l’oppression font que le niveau de population n’est pas dépassé par l’offre de subsistances[1]. Il n’y a pas là, néanmoins, de quoi prouver l’existence de la grande cause alléguée : — l’insuffisance des pouvoirs de la terre pour répondre aux demandes de l’homme.

On nous représente la Sibérie comme riche en terres dont la puissance, nous dit-on est inépuisable ; et pourtant « ces districts sont faiblement peuplés, la population n’y augmente pas en proportion de ce qu’on pourrait attendre de la nature du sol[2]. » On ajoute à cela beaucoup de raisons ; — si l’on a cru nécessaire de les ajouter, c’est qu’on ne pense pas que ce soit encore là que se trouve la grande et universelle cause « du vice et de la misère. »

Dans le monde physique, tous les effets sont dus à des causes fixes et certaines dont la force est susceptible d’être mesurée ; nous pouvons, selon la distance du phénomène, raisonner de la cause à l’effet et de l’effet à la cause avec la même confiance que si le tout s’accomplissait sous nos yeux. Il en doit être ainsi dans le monde social, — la cause et l’effet étant partout les mêmes, et le vice et la misère étant partout aussi évidemment attribuables à ce que l’homme a manqué à se mettre en mesure d’acquérir la domination sur la nature, qu’il est évident que l’évaporation est une conséquence de la chaleur. Dans le livre de M. Malthus, cependant,

  1. Principles of Population, liv. I, ch. viii.
  2. Ibid., liv. I, ch. ix.