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il est clair que la grande cause ne peut, en cette occasion, être mise en avant. L’inégalité dans la distribution des produits du travail étant un de ces phénomènes sociaux dont il faut tenir compte par suite de la pression constante de la population sur les subsistances, il est difficile au lecteur du livre de M. Malthus de ne pas s’étonner d’y trouver cette assertion : « que, dans tous les pays où les subsistances s’obtiennent avec facilité, — ceux, par conséquent, où la grande cause ne peut se rencontrer, — il règne une distinction de rang qui est oppressive à l’excès, — le peuple étant dans un état de dégradation comparative[1]. »

En Asie, nous trouvons les Usbecks occupant un sol « d’une grande fertilité naturelle, » duquel ils n’ont pas choisi de profiter. — « Ils aiment mieux piller, voler, tuer leurs voisins que de s’appliquer à améliorer les bienfaits que la nature leur offre si libéralement[2]. » En quoi ceci peut-il venir à l’appui de l’existence de la grande cause ? Il n’est pas facile de le voir. Les Tartares aussi, nous dit-on, sont voleurs ; et pourtant « tout ce que le pillage leur procure n’équivaut pas à ce qu’ils obtiendraient de leurs terres avec le plus léger travail, s’ils voulaient s’appliquer sérieusement à l’agriculture. »

Les paysans, sous la domination turque, « désertent leurs villages et s’adonnent à la vie de pasteurs, dans l’espoir a de mieux se dérober à la rapine des Turcs, leurs maîtres, et des Arabes, leurs voisins. » La grande came de vice et de misère que M. Malthus prétend établir, était l’impuissance de la terre à répondre aux demandes de l’homme ; mais ici il ne prouve que l’inhabileté de l’homme à faire des demandes de la terre.

D’après Park, M. Malthus décrit la « prodigieuse fertilité du sol d’Afrique et ses grands troupeaux de bétail, » — regrettant « qu’une contrée si richement dotée par la nature puisse rester dans l’état sauvage et négligé où elle est aujourd’hui. » Cet état provient « de ce que la population n’a que peu d’occasions de débouché pour l’excédant du produit de son travail. » Pourquoi cela ? Parce qu’il faudrait une augmentation de population qui les mit à même de diversifier les professions au point de fournir les occasions qu’ils désirent tellement, — et de leur constituer un marché domestique

  1. Principles of Population, liv. I, ch. v.
  2. Ibid., liv. I, ch. vii.