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pas, — puisque, selon M. Malthus, c’est on fait indubitable que la population n’est limitée uniquement que par la difficulté de se procurer l’aliment, et qu’elle tend toujours à dépasser la limite des subsistances ? Où donc est la grande cause que nous cherchons et qu’il nous montrerait ici ?

Au Pérou nous trouvons une population qui, ayant été conduite par une heureuse série de circonstances à améliorer et à étendre son agriculture a vu son chiffre grossir en dépit de l’apathie des hommes et des habitudes destructrices des femmes. Il n’est rien dit ici de la population pressant sur les subsistances, — car il est trop évident que la population nombreuse rassemblée sur les pauvres terres du versant occidental des Andes a été bien mieux fournie que les sauvages qui errent disséminés sur les sols fertiles du versant oriental, dont une seule acre pourrait donner plus de subsistances en retour du même travail qu’on en obtiendrait d’une douzaine au Pérou. Nous ne sommes donc pas encore près de déterminer la grande cause des progrès de la misère et du vice dans l’humanité.

Dans les riches îles de l’océan Pacifique, nous trouvons des tribus qui mangent de la chair humaine, et qui, en guerre continuelle entre elles, « cherchent naturellement à augmenter le nombre des membres de la tribu, afin de la rendre plus forte dans l’attaque ou dans la défense. » Ici point de coutume chez les femmes qui soit défavorable au progrès de la population ; et pourtant, tout admirable qu’est le climat et tout fertile qu’est le sol, elle est peu nombreuse. £t néanmoins, les subsistances y sont si rares a qu’il n’est pas improbable que l’envie de faire un bon repas donne une énergie additionnelle à leur désir de vengeance, et qu’ils ne se détruisent violemment les uns les autres que comme unique alternative pour ne pas périr de faim. » Ici la difficulté éprouvée provient-elle de l’homme ou de la terre ? Si c’est du premier, que devient la grande cause à laquelle M. Malthus attribue le vice et la misère ?

Devant l’infanticide et l’immoralité qui règnent à Taïti, M. Malthus pensait qu’après que la dépopulation aurait suivi son cours, un changement d’habitudes « rétablirait aussitôt le chiffre de population, qui ne pouvait rester au-dessous de son niveau naturel sans la plus extrême violence. » Ce niveau étant l’offre des subsistances, et les subsistances étant ici en une abondance exubérante,