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ainsi l’esclave de la nature à mesure qu’il gagne lui-même en pouvoir[1]. Si cela est, pourquoi cela est-il ? Est-il possible que l’homme, par un effort qui ne soit pas au-dessus de ses facultés, se place dans la position pour laquelle il a été créé, celle de maître de la nature ? Y a-t-il lieu à espérance, ou bien l’homme doit-il vivre avec la connaissance qu’en vertu d’une grande et inévitable loi, le temps doit venir où ceux qui possèdent la terre tiendront dans l’esclavage tous ceux qui ont besoin de la travailler ? La réponse à toutes les questions est déterminée par celle donnée à la première et à la plus importante : Quelle est la grande cause du vice et de la misère qui se sont manifestés à un si haut point dans le monde ? C’est la question à laquelle Malthus affirme avoir répondu. Nous allons voir jusqu’à quel point.

Si nous commençons par les Indiens d’Amérique, il dit « que leurs femmes sont loin d’être fécondes ; que leur stérilité est attribuée par quelques écrivains au manque d’ardeur chez les hommes : que cela cependant n’est pas particulier à cette race ; » — Bruce et Vaillant ayant fait la même remarque chez les diverses tribus d’Afrique. On n’en doit point, selon lui, chercher les causes dans quelque défaut qui tienne à la constitution, — puisque cela diminue en proportion de ce que diminuent ou disparaissent les fatigues et les dangers de la vie sauvage. Quelle est dans ce cas la cause de difficulté ? La grande cause ne peut se découvrir ici, et pourtant il y a beaucoup de vice et de misère. Pourquoi ? Est-ce à cause d’une tendance trop grande à la reproduction, ou parce que manque dans l’homme la disposition ou l’habileté à faire que la terre produise ? M. Malthus admet lui-même que c’est par la dernière raison. — Ici vice et misère résultent donc des œuvres de la créature et non de lois établies par Dieu. Alors qu’advient-il du livre Principles of Population ?

Passons à l’Amérique du Sud, nous voyons « que dans l’intérieur de la province bordée par l’Orénoque, on peut traverser quelques centaines de milles sans trouver une simple hutte ou les traces d’une seule créature[2]. C’est néanmoins une des plus riches régions du monde. Il y règne un été perpétuel ; le maïs y rend trois cents fois la semence. Pourquoi la population n’y augmente-t-elle

  1. Voy. précéd. vol. I, p, 465.
  2. Principles of Population, liv, I, ch. iv.