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Ce n’est pas cependant aux sols uniquement que nous devons nous adresser pour l’extension du champ des opérations humaines, — toute l’expérience acquise prouve qu’il eût une tendance à l’égalisation graduelle des sols variés dont la terre a été composée. En France, nous l’avons vu, elle se manifeste de la manière la plus frappante, et la France n’est que le monde entier en miniature[1]. Le chemin de fer, en en facilitant l’accès, a déjà mis en activité plusieurs grandes portions de territoire qui jusqu’ici étaient restées sans usage, et il est destiné finalement à faire pour des provinces entières, des États, des royaumes, pour le globe entier, ce qu’il a déjà fait pour des portions de sol d’Angleterre, de France et des États-Unis. D’après tous ces faits, on peut affirmer que le pouvoir que possède la terre de fournir des subsistances à l’homme est illimité dans la pratique.

§ 3. — L’industrie manufacturière précède toujours et jamais ne suit la création d’une agriculture réelle. Le pays qui exporte son sol sous forme de denrées premières doit finir par exporter les hommes. Plus est parfait l’équilibre des forces qui s’opposent l’une à l’autre » plus s’accroît le pouvoir de cultiver les sols riches. La centralisation trafiquante tend à ruiner les centres locaux, à épuiser le sol, à détruire la valeur de la terre et de l’homme. La protection a pour objet d’établir la contre-attraction.

Comment toutes ces terres finiront-elles par être appropriées aux desseins de l’homme ? La réponse est dans ce fait que les fabriques précèdent toujours et ne suivent jamais la création de l’agriculture réelle. En l’absence des fabriques tous les essais de culture se bornent à déchirer le sol et à en exporter les meilleurs composants sous former de denrées premières, — et le pays qui suit cette politique finit toujours par l’exportation ou l’annihilation de l’homme. Donnez à la Turquie le pouvoir de développer ses vastes ressources naturelles, — mettez-la en mesure de fabriquer ses étoffes, — et vous verrez naître une agriculture qui rendra la fécondité aux plaines de Thrace et de Macédoine. — Placez au Brésil l’outillage nécessaire pour extraire ses différents minerais, — pour fabriquer le fer — et pour convertir ses matières premières en étoffes, — et il présentera bientôt au monde un état de choses tout à fait différent de celui actuel[2]. — Que la Caroline ait les moyens de convertir son coton en étoffes, et ses millions d’acres de riches prairies vont devenir productifs. Que les Illinois puissent extraire leur houille, leur plomb, leur minerai de fer, et la population cessera de voir le rendement de son sol diminuer, comme il

    par lui-même, comme preuve de l’efficacité du libre-travail blanc dans les États de l’extrême sud.

  1. Un sixième du sol de la France (environ 24 millions d’acres) est en dehors de toute culture.
  2. Voy. précéd. vol. II, p. 231.