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s’accroissant chaque année ; les pouvoirs latents de la terre étant de plus en plus mis en œuvre ; les utilités perdant de leur valeur à mesure que la valeur de l’homme augmente ; et les individualités diverses des membres qui composent la société prenant un développement correspondant.

La marche que suit une société en formation est précisément la même que celle que présentent à l’observateur les évolutions du monde végétal. — La tendance à croître est toujours accompagnée d’une tendance à se répandre.

Dans l’enfance de l’arbre majestueux, ses racines sont courtes, presque à fleur du sol ; mais, à mesure qu’il croit, elles se lancent dans toutes les directions, — la racine qui fait pivot néanmoins pénétrant dans le sous-sol, et toutes concourant à assurer la stabilité de la masse du tronc et du feuillage. Bientôt les racines latérales émettent des jets qui, comme la racine-mère dans sa jeunesse, prennent leur nouvelle nourriture à la surface du sol. — Avec l’âge, cependant, elles répètent la même opération, et elles établissent ainsi des centres locaux d’attraction pour les divers éléments destinés au maintien de la vie végétale. L’arbre-père continue à grandir, s’élevant dans l’air à mesure que le pivot s’enfonce et que la stabilité s’accroît à chaque degré du progrès. Entouré de ses descendants de différents âges qui diminuent en hauteur et leurs racines en profondeur à mesure qu’ils s’éloignent du grand centre, il présente à l’œil une parfaite pyramide double[1].

C’est là aussi la marche de l’homme. S’arrêtant dans sa carrière pour travailler, sa richesse commence à croître. Il défriche des terres, bâtit des maisons ; la richesse et la population augmentent. Il émet les petites racines, et l’établissement prend de l’extension, tandis qu’au centre, les maisons, qui étaient d’abord en petit nombre et isolées, deviennent un bourg. À un nouvel accroissement de richesse et de population, il creuse le puits de mine, il extrait la houille et le minerai et fabrique le fer, — creusant plus profondément, à chaque pas, des fondations sur lesquelles va s’éleva l’édifice social. Avec le temps le bourg devient cité, — qui exerce une puissante force d’attraction, force sujette cependant à être contrebalancée par des forces similaires, quoique plus faibles, qui

  1. Voy. Diagrams, précéd. vol., p. 266, 15.