Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 3.djvu/296

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mouvement sociétaire que dans le mouvement d’une machine à vapeur ou d’une montre. Une fois obtenues, il y a tendance constante à l’accélération de circulation, avec accroissement correspondant de richesse, accroissement du taux de la quote-part du travailleur, accroissement du développement d’individualité, du pouvoir d’association et de coopération, accroissement du sentiment de responsabilité qui distingue l’homme de tous les autres animaux qui couvrent la surface de la terre. Pour tout cela il est indispensable qu’il y ait diversité d’emplois, — la société prenant ainsi par degrés sa forme naturelle, l’agriculture se faisant plus savante et le travail donné à développer les pouvoirs de la terre devenant plus productif. Pendant presque un siècle, tous les efforts du peuple anglais ont eu pour but de cherchera prévenir la diversification de professions dans les autres sociétés. — Nous en voyons le résultat dans l’épuisement de la Turquie, du Portugal, de l’Irlande, de l’Inde, de la Jamaïque et de toutes les autres nations qui ne se sont pas protégées contre « une guerre » qui avait pour but « d’étouffer au berceau » les fabriques naissantes du monde, — et aussi dans la production chez la nation anglaise elle-même d’un état de choses, qui correspond exactement à ce qu’Adam Smith avait prédit pour résultat certain du maintien d’un système dénoncé par lui comme une violation manifeste des droits les plus sacrés de l’humanité[1].

Dans l’étude des faits observés chez les différentes nations, il est indispensable de faire la part des circonstances. La Grèce, qui fut pendant des siècles la proie des Vénitiens et des Turcs, — l’Italie, qui servit de théâtre de guerre aux Autrichiens, aux Français, aux Espagnols, — doivent présenter des phénomènes tout à fait différents de ceux de la Grande-Bretagne. La Belgique, ravagée comme elle l’a été par des armées aux prises, a vécu d’une vie toute autre que l’Angleterre, — elle a constamment souffert du fléau de la guerre, tandis que l’autre a goûté la paix intérieure la plus profonde. Nulle part l’homme n’a joui de l’occasion favorable, qui s’est présentée chez cette dernière, de se mettre en mesure de devenir souveraine de la nature, — et nulle part on n’a obtenu sur elle autant de pouvoir. Et si ce pouvoir n’a point réussi à apporter

  1. Voy. précéd., vol. I, p. 423.