leurs enfants a disparu dans le même gouffre où avaient déjà disparu leurs espérances tant du présent que de l’avenir[1].
La centralisation et spécialement la centralisation trafiquante, tend à l’inégalité de condition, et voilà comment la ruine des fabriques de l’Irlande et de l’Inde a contribué tellement à produire la consolidation de la terre dans la Grande-Bretagne.
Venons au berceau de la théorie de l’excès de population, nous trouvons dans l’Angleterre un pays où, le lecteur l’a déjà vu, les petits propriétaires ont à peu près disparu. Les 200.000 propriétaires d’il y a 80 ans sont représentés aujourd’hui par moins de 35.000. À cette date, le chiffre de population était 7.500.000, — il y avait eu accroissement de 10 p. % dans la longue période de 75 années. Aujourd’hui, en 1855, il est de 18.786.914, — il y a eu accroissement de 150 p. % dans une période qui n’est que très-peu plus longue. L’élévation du chiffre a donc marché du même pas qu’une consolidation de la terre qui place une classe au-dessous et l’autre au-dessus de la réalisation de l’espoir, — un état de choses qui tend plus qu’aucun autre à réduire l’animal humain à la condition de simple outil à l’usage du trafic.
La consolidation chassant le travailleur de la culture du sol, tandis que l’outillage perfectionné le chassait de la fabrique, le pauvre a été fait plus pauvre et plus faible, à mesure que le riche devenait plus riche et plus fort. L’Irlande aussi a contribué beaucoup au même résultat. À mesure que l’acte d’union fermait graduellement ses fabriques et ne laissait à sa population que le travail rural comme moyen d’existence, elle se trouva forcée d’émigrer, comme les Italiens d’autrefois, vers le lieu où se distribuaient des taxes, dans l’espoir d’obtenir des salaires, — et sa concurrence
- ↑ L’influence que ceci a exercée sur la population de la Grande-Bretagne nous est révélée par le London Times :
« Pour une génération entière, l’homme a été une drogue dans ce pays et la population une nuisance. À peine s’il est entré dans la tête des économistes qu’ils auraient à compter avec un manque de travail. L’inépuisable offre irlandaise a avili le prix du travail anglais, aux champs, au chemin de fer, au comptoir, à l’armée, à la marine, à la faucille, à la bêche, à l’auge du maçon, au pupitre chez le marchand. Nous croyons que, pour quarante ans au moins, le travail, en tenant compte de sa qualité, a été à plus bas prix dans ce pays qu’en aucun pays de l’Europe ; et ce bas prix a largement contribué à l’amélioration et au pouvoir du pays, au succès de toutes les entreprises du négoce, et aux jouissances de ceux qui ont de l’argent à dépenser. »