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que, dans une troisième importante classe, la population décroît lentement, mais d’une manière continue. Pour plus ample réponse, nous le renvoyons à ce qu’a constaté M. Malthus lui-même, à propos du manque de fécondité parmi les aborigènes de l’Amérique continentale et de sa luxuriance parmi ceux des îles du Pacifique. Regardez n’importe où, vous ne trouverez pas la preuve de l’existence générale d’une fécondité, telle que l’ont prétendu les avocats de la théorie de l’excès de population. Il serait, en effet, contraire à la nature des choses que cela fût, — la fonction de reproduction ayant été, en commun avec chaque partie de l’organisation humaine, placée sous la loi de circonstances et de conditions relatives. Le climat, la santé, l’éducation, la profession, les habitudes de la vie influent sur elle comme ils influent sur toute autre fonction organique. Elle peut être portée à l’excès ou réduite au manque absolu, — étant affectée par toutes les causes qui agissent sur le corps, l’intelligence, les mœurs, et cela par la belle et simple raison qu’elle est une fonction vitale dépendante de l’organisme dont elle forme une partie.

On ne peut donc prétendre que, contradictoirement à toute autre fonction animale, la procréation soit une action fixe, invariable, réglée, comme l’est la matière inorganique avec une rigueur mathématique, entièrement indépendante des influences variées par lesquelles elle est exposée à être modifiée. La nutrition du corps ne se mesure pas par la quantité d’aliment consommé ; — elle est beaucoup modifiée par le pouvoir de digestion, la vigueur de la santé générale et la demande générale qu’exercent sur le système les différents degrés de fatigue. Les fluides élaborés par les organes sécréteurs, par exemple, la salive, le lait, sont, au su de tout le monde, sujets à de grandes variations ; la quantité augmente ou diminue selon que les glandes qui les fournissent sont plus ou moins excitées[1]. C’est ainsi que chaque différente fonction et ac-

  1. M. Roulin a rapporté un fait très-remarquable au sujet de la race bovine de l’Amérique du Sud, et qui a été signalé particulièrement par M. Geoffroy Saint-Hilaire dans un rapport à l’Académie royale des sciences sur le mémoire de M. Roulin. £n Europe, les vaches donnent du lait à partir du commencement de la gestation jusqu’à ce qu’elles cessent de nourrir. Chez la vache américaine, la sécrétion du lait est devenue une fonction constante dans l’économie animale ; cela provient de la pratique, prolongée pendant une longue suite de générations, de continuer à traire longtemps après qu’il n’en est plus besoin pour l’allaitement du veau.