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petites propriétés sans avoir à répondre à personne d’autre qu’à l’État, qui est la personnification de la communauté. En Allemagne, en Danemark et dans le nord de l’Europe généralement, cela a été la même tendance, — la coutume ayant passé à l’état de loi, et le petit et heureux propriétaire ayant remplacé le serf misérable. Dans tons ces pays, la circulation sociétaire s’accélère d’année en année, la concurrence pour l’achat du travail se développe de plus en plus, et le taux de la quote-part du travailleur s’élève. Dans tous, la politique adoptée a pour base le rapprochement entre les prix des matières premières et des utilités achevées ; et par là, autant que possible, l’affaiblissement du pouvoir du trafiquant.

Passant aux pays qui suivent la trace de l’Angleterre, nous voyons, en Écosse, une abolition totale des droits coutumiers ; — des gens par centaines de mille, qui avaient à la terre autant de titres que leurs seigneurs, ont été chassés de leurs petite tenures avec une cruauté sauvage qui dépasse tout ce qu’on a pu voir ailleurs[1].

En Irlande nous trouvons les coutumes disparaissant par degrés jusqu’au jour où la population entière est asservie par une classe intermédiaire, — qui vit en pillant, les propriétaires de la terre et les misérables occupants.

  1. La terrible épuration du comté de Sunderland est trop connue pour qu’il soit besoin de la raconter une fois de plus. Le même système s’est continué ; comme nous pouvons le voir d’après les faits suivants rapporté par un journal du Canada.
      « Un colonel, Gordon, propriétaire des domaines de South List et de Barra dans les Highlands d’Écosse, a expulsé plus de 1.100 malheureux tenanciers et cottagers, en les abusant de la manière la plus cruelle et la plus frauduleuse par des tentations ; en les assurant qu’à leur arrivée à Québec, l’agent des émigrants prendrait immédiatement soin d’eux — qu’ils auraient leur libre passage pour le haut Canada où du travail leur serait fourni par les agents du gouvernement, et des concessions de terre allouées à des conditions imaginaires. Soixante-onze, sur la dernière cargaison composée de quatre cent cinquante, ont signé un document qui porte que plusieurs avaient pris la fuite, devant l’emploi de la force pour les faire émigrer. » — « Sur quoi, ajoutent-ils, M. Fleming donna l’ordre à un policeman, qui était accompagné du garde du domaine de Barra et de quelques constables, de poursuivre les gens qui avaient gagné la montagne, ce qui fut fait. On en prit une vingtaine dans la montagne et dans les îles voisines. Ils ne suivirent les officiers que sur la menace d’être garottés, et à la condition qu’on cesserait de poursuivre les autres ; d’où, il résulta que quatre familles au moins se trouvèrent partagées — quelques membres montant sur les navires pour Québec, tandis que le reste de ces familles demeura dans les Highlands. »