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tant de signaler le fait que là on la population est disséminée il y a peu de commerce, et que dans de telles conditions il n’y a pas de demande soutenue du travail de l’homme, nous ayons jugé nécessaire de donner cette explication des causes qui les ont embarrassés, afin de convaincre le lecteur que la vraie manière d’aborder la question du pouvoir de production est de prendre la consommation actuelle telle qu’elle se montre dans les documents contemporains sur la condition du peuple et ses salaires actuellement payés pour emploi continu.

§ 7. — Salaire et pouvoir producteur de l’Angleterre à différentes époques.

Dans la période qui suivit la conquête normande on exporta en Irlande un tel nombre de serfs anglais que le marché en fut encombré. Jusqu’au règne du roi Jean l’Écosse ne comptait peut-être pas un seul cottage où l’on n’en rencontrât.

Dans ce dernier royaume un serf ne pouvait acheter sa liberté avec son propre pécule, tout ce qu’il pouvait acquérir appartenait de droit à son maître. À la fin du treizième siècle, un serf avec sa famille se vendait 13 sh. 4 d. En Angleterre un peu de poisson, du hareng pour l’ordinaire, un morceau de pain, un peu de bière formaient la pitance distribuée pendant la moisson, d’où l’on peut conclure comment le mercenaire vivait le reste de l’année. La viande et le fromage étaient des mets recherchés qui n’entraient point dans sa consommation. Une évaluation de la propriété personnelle à Colchester, la dixième ville et l’une des plus florissantes de l’Angleterre, révèle la condition des marchands et des artisans de cette époque, et nous permet de nous faire une idée de celle du journalier ordinaire. Dans la plupart des maisons en chaudron de cuivre, de la valeur de 1 à 3 schellings, paraît avoir été le seul ustensile culinaire. La garniture d’une échoppe de savetier est évaluée 7 schellings ; une boutique de charcutier contient en denrée une valeur de 1 livre 18 schellings ; une autre une valeur de 1 livre, l’équivalent peut-être de deux quarters de blé. En général, chaque famille est pourvue de sa petite provision d’orge et d’avoine. Le seigle était peu en usage et le blé fort rare. Quelques familles possèdent une vache ou deux, d’autres, en plus grand nombre, nourrissent des porcs, deux ou trois suffisent à gagner le salaire pour l’année. De la faible provision de combustible on peut conclure que peu de maisons avaient des cheminées. Dans une autre évaluation, en l’année 1301, il est rare que le mobilier d’une maison dépasse