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reusement cependant il existe dans le monde entier une harmonie des intérêts tellement parfaite, qu’une nation ne peut commettre l’injustice, sans qu’à la fin ne retombe sur elle une part des charges qu’elle impose aux sociétés envers lesquelles elle s’est rendue coupable. Tout ce qui tend à détériorer la condition de l’homme en un lieu, tend à le faire partout ailleurs, — la terre et les hommes d’Europe profitent de tout ce qui se fait de sage en Amérique ; et ceux d’Amérique souffrent de toute faute commise en Europe, en Asie et en Afrique.

Dans le monde physique l’action et la réaction sont égales et opposées. — Il en est de même dans le monde social. — La société qui consacre son énergie potentielle à arrêter le mouvement quelque part est arrêtée elle-même dans le sien. C’est l’histoire d’Athènes et de Rome, c’est celle de la France pendant plusieurs siècles. C’est celle de la Grande-Bretagne actuelle, — dont la population s’appauvrit à chaque accroissement du pouvoir de commander le service de la vapeur, de l’électricité et des autres forces merveilleuses placées sous l’empire de l’homme. À quoi cela aboutira-t-il ? « À la même misère, dit le révérend M. Kingsley, parlant au nom d’un pauvre tailleur, à la même misère que 15.000 ou 20.000 hommes de notre classe endurent aujourd’hui. Nous deviendrons les esclaves, et souvent les prisonniers corporellement des Juifs, des intermédiaires, des hommes engraissés de nos sueurs qui tirent leur subsistance de notre épuisement. — Nous aurons à faire face, comme le reste l’a déjà fait, à des prix du travail de plus en plus abaissés et à des profits toujours croissants prélevés sur ce travail par les contractants, les tâcherons qui nous emploient, — à des amendes arbitraires imposées selon le caprice de mercenaires, — à la concurrence faite par des femmes, des enfants et le famélique Irlandais. — Nos heures de travail s’augmenteront d’un tiers, ou notre paye diminuera de moitié ; et dans tout cela nous n’aurons ni espoir, ni chance d’un meilleur salaire, mais toujours plus de pénurie, d’esclavage, de misère, à mesure que nous serons pressés par ceux qui sont saccagés par cinquantaines, — quasi par centaines et jetés, de cet honorable métier dont nous avons fait apprentissage, dans l’infernal système du contrat à la tâche, qui dévore notre métier et tous les autres, corps et âmes. Nos femmes sont forcées de passer la nuit et le jour à nous aider, nos