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nir la permission de réparer une route, il faut que les ordres viennent de Paris — passant par une série de formalités et exigeant la coopération d’une armée de fonctionnaires. Le propriétaire d’un terrain houiller, qui désire ouvrir un puits pour l’exploitation, doit demander la permission à Paris, — permission qu’il doit payer largement et qu’il n’obtient qu’après avoir attendu des années. La population d’une ville désire fonder un banque ; elle ne le peut à cause d’un monopole qui est assuré à quelques individus, propriétaires de la banque de France. Le boulanger qui veut ouvrir une boutique doit se pourvoir d’une patente, qu’il lui faut payer. Un fils désire aider son père à supporter sa mère et ses sœurs, mais il se trouve que l’État a une hypothèque sur son service militaire qui grèvera quelques années des plus importantes de sa vie. Arrêter la circulation semble être le principe de la société française. Néanmoins elle a recueilli de tels avantages du système qui tend à rapprocher le producteur du consommateur et à libérer le fermier de la taxe oppressive du transport, que la production agricole qui, en 1700, n’était que de 1.300 millions de francs, s’est élevé à 5 milliards dans la période de 1830 à 1840, tandis que le taux de la quote-part — du travail a monté de trente-cinq à soixante pour cent ; le travail a reçu 500 fr. là où il n’en recevait dans le principe que 135. Le montant que les autres classes de la société se partageaient entre elles était égal au salaire de 6.000.000 de travailleurs agricoles, tandis que dans la dernière période, il n’achèterait les services que de 4.000.000[1].

Le coût de la guerre s’élève à mesure que monte le taux de la quote-part du travail. Le pouvoir chez quelques-uns de troubler le repos du grand nombre décroît en une raison correspondante, — leur part dans les produits du travail diminuant à mesure que les prix des matières premières et ceux des utilités achevées se rapprochent et que la terre et le travail gagnent en valeur.

L’impôt français tout considérable et vexatoire qu’il soit encore, est, à la production, dans une proportion tellement moindre depuis un siècle, que si le service militaire n’était pas d’obligation, les armées françaises ne seraient pas aujourd’hui sur un pied suffisant pour troubler beaucoup la paix de l’Europe[2].

  1. Voyez précéd., vol. II, p. 61.
  2. La conscription est, de tous les modes d’impôt, le plus vexatoire et le plus