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portée ; elle périt par le fait même du déplacement. L’homme qui est éloigné de sa ferme ou de sa boutique d’un mille seulement sacrifie dix ou vingt pour cent de sa force pour se rendre sur le lieu de son travail quotidien. Triplez et quadruplez la distance, la perte se monte si haut que le travail appliqué à produire ne suffit plus pour fournir le combustible qui doit entretenir l’action de son système, et la machine doit s’arrêter, son propriétaire périr par faute de nourriture. Mettez ensemble le producteur et le consommateur, et la consommation instantanée fait l’instantanée production, toute la force fournie par l’aliment se trouve ainsi économisée. La société tend alors à prendre d’elle-même sa forme naturelle, il y a diminution continue dans la proportion de ceux qui vivent d’appropriation, augmentation continue dans la proportion de ceux qui travaillent à ajouter à sa quantité, ou à la qualité des richesses demandées pour l’usage de l’homme.

La quantité produite d’effort humain dépend de la demande qui est fait de cette production, et la demande dépend de même du pouvoir qu’ont les autres de produire des utilités ou objets livrables en échange, faisant ainsi demande de consommation. Le tout ne formant qu’un simple cercle, plus le mouvement est rapide, plus il y aura nécessairement d’incitation à produire l’effort, et plus s’accroîtra le pouvoir de tous de consommer les utilités ou objets à la production desquels l’effort doit être appliqué.

Production et consommation n’étant donc que des mesures l’une de l’autre, toutes deux doivent s’accroître à chaque accroissement du chiffre d’hommes qui pourront tirer leur subsistance d’une surface donnée de territoire. Ce nombre augmente à mesure que l’homme se rend de plus en plus apte à diriger les forces de la nature, et à soumettre à la culture les sols plus riches, chaque degré de progrès étant marqué par un accroissement du pouvoir d’association, accompagné du développement rapide des facultés qui le distinguent de la brute. Ce nombre diminue au contraire lorsque l’homme renonce à l’effort appliqué à maîtriser la nature, et s’adonne, soit comme soldat, ou commerçant ou transporteur, à acquérir du pouvoir sur ses semblables ; chaque pas dans cette voie est marqué en outre par un déclin du développement de ses facultés, et lui-même, tombant à la condition des animaux de proie, est poussé à vivre des dépouilles d’autrui.