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Le peu de respect pour les droits de la personne à la Jamaïque et dans les autres îles anglaises se manifeste par le rapprochement de deux chiffres. Sur plus de deux millions d’individus importés, il n’en existait plus que 800.000 à la date de l’émancipation. Tout le reste, ainsi que les millions qu’aurait dû produire l’accroissement naturel, a été chassé de la vie par le fouet du régisseur. Le peu de respect pour les droits de la propriété se manifeste par l’adoption d’une série de mesures qui ont abouti à la ruine totale de presque tous ceux qui possédaient la terre. En voulez-vous la cause ? Elle est dans un système qui, limitant les planteurs au seul travail agricole, a enfanté la nécessité d’aller faire ailleurs tous leurs échanges, ce qui a fourni une occasion d’organiser une taxation, appliquée avec une rigueur telle que le producteur périssait sur le sol, tandis que l’Anglais qui, s’il avait pu vendre son travail, aurait été volontiers son client, était conduit à la maison des pauvres pour y chercher du pain[1].

Le peu de sécurité qui s’obtient dans l’Inde en échange des taxes payées, se manifeste par la disparition graduelle de la classe entière des petits propriétaires, — les hommes qui payent directement au gouvernement — et à sa place la substitution de grands zémindars, une classe d’intermédiaires par les mains desquels doit passer tout l’argent versé par la population pour le service de l’État[2].

Un fait qui montre à quel excès est misérable la condition de la population, c’est qu’à mesure qu’on s’éloigne du Bengale, le pays gouverné longtemps par la Compagnie, on trouve l’Hindou se rapprochant de plus en plus de la qualité d’homme[3].

Par tout le pays, le système entier de taxation tend à entraver la circulation, — le montant de la contribution s’élevant à chaque effort de plus que s’avise de donner le travailleur, et s’abaissant lorsqu’il cesse d’apporter aucun soin pour aider à la production[4]. C’est une prime offerte à l’inactivité ; le résultat est que le payement des taxes absorbe une plus faible proportion dans le produit du travail et de la terre que dans aucun autre pays. La cause en

  1. Voyez précédemment, vol. I, p. 299.
  2. Ibid., p. 360.
  3. Ibid., p. 367.
  4. Ibid., p. 346.