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blé par semaine, que le travailleur aurait reçu autrefois comme salaires, il ne reçoit (en 1810) que 80 setiers ; et depuis lors un autre écrivain s’est hasardé à dire : qu’en l’année 1495, ces salaires de la semaine auraient été de 199 setiers.

Quels étaient les salaires annuels du travailleur précisément à cette date ? Les moyens nous manquent de le constater ; mais comme le changement s’est opéré lentement, nous risquerons peu de nous tromper m prenant ceux des dernières années du siècle qui a précédé. En 1389, un conducteur de charrue avait sept shillings, et un charretier dix shillings par semaine, sans l’habillement ou quelque casuel. Il n’est pas même bien positif qu’il eût avec cela sa misérable nourriture. En prenant une moyenne d’années, ces salaires représentaient au plus un quarter de blé ou huit boisseaux ; et voici qu’on nous parle de salaires de trois boisseaux par semaine. Dans cette même année que l’on cite, il fallait 450 journées de travail pour faire la moisson de 200 acres de terre, — le rendement moyen étant de 6 boisseaux par acre, soit en tout 1.200 boisseaux, c’est-à-dire 2 boisseaux 2/3 moissonnés par journée de travail. À ce taux, le salaire d’une semaine serait 16 boisseaux, dont le cinquième juste nous est donné comme le salaire de chaque semaine dans l’année. À cette époque, la terre occupait presque tous les bras, les fabriques étaient dans leur enfance. En supposant tous les travailleurs payés sur ce pied, il s’ensuivrait que 5 semaines de gages absorberaient le total de la récolte annuelle.

Voilà les documents mis gravement en avant par des écrivains qui savent qu’à cette époque, la terre et son représentant prenaient au moins les deux tiers, et ne laissaient que bien peu au travailleur. La main-d’œuvre pour la moisson aujourd’hui se paye avec moins d’un quarantième de la récolte ; mais il y a du travail aux champs pendant toute l’année, et les salaires de la moisson ne s’écartent pas beaucoup de celui des autres journées. Au quinzième siècle au contraire, on trouvait peu à travailler dans l’année, ces salaires de moisson formaient une partie importante du revenu annuel, comme nous le voyons encore chez les paysans de l’Irlande. L’accroissement de richesse et de population, facilite la distribution de besogne dans le cours de l’année, — ce qui accroît beaucoup la circulation, l’économie et la productivité du travail ;