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Les 5.000.000 de liv.sterl. ainsi payés pour l’usage de tant de millions d’acres, deviennent 3.000.000 avant d’avoir quitté la fabrique ; et pourtant, comme nous avons vu, les transformations effectuées sur tout cela sont de celles qui ne demandent que les plus infimes sortes d’habileté. De là, ces articles passent en Turquie, dans l’Inde, l’Irlande et le Portugal, la Jamaïque et l’Espagne, les États-Unis et le Canada ; et avant d’arriver aux consommateurs, ils ne sont pas devenus moins que 60.000.000 liv. sterl., dont environ un douzième va au cultivateur du coton, tandis que les autres douzièmes sont absorbés en route entre ceux qui ont converti le coton brut et ceux qui ont usé l’étoffe, — donnant l’entretien à des mille et dizaines de mille individus employés à obstruer les rouages de commerce. Les conséquences se manifestent dans le fait que le planteur — tout importante que soit son utilité — n’obtient nulle part l’outillage convenable pour la culture ; que ses terres sont partout épuisées et que l’asservissement devient de plus en plus, d’année en année, le lot des travailleurs des pays à coton. Tels sont les résultats nécessaires du système qui vise à avilir les matières premières de fabrique et à augmenter la différence entre leur prix et celui des utilités qui se fabriquent avec elles.

Onze douzièmes ou cinquante-cinq millions liv. sterl. sont partagés par les individus d’intermédiaires, — et de cette énorme somme, les trois quarts probablement se concentrent sur les propriétaires anglais de navires, d’usines et autres appareils d’échange et de transformation. Pour payer cela, il faut que les nations agricoles envoient en

    la friche, rappelle au voyageur, par la triste condition de la campagne, les ruines de l’ancienne Grèce. »
      Ce triste tableau de la Caroline du Sud est constaté officiellement par l’adresse récente émanée de l’assemblée agricole tenue récemment dans cet État.
      « Votre comité appelle vivement l’attention de cette assemblée sur ce fait désolant, que l’intérêt que nos citoyens ont pris jusqu’ici au progrès agricole est devenu stationnaire ; que nos vieux champs vont s’étendant, que nos établissements ont diminué d’une manière effrayante, et que chaque année voit nos fils énergiques aller chercher les riches et fertiles terres du sud-ouest, sur lesquelles ils s’imaginent que le capital peut obtenir trois fois plus de profit que sur les nôtres. Ce n’est pas tout : non-seulement nous allons perdant nombre de nos citoyens les plus énergiques et les plus utiles, pour fournir les os et les nerfs des autres États, mais nous perdons notre population esclave, qui est la véritable richesse de l’État. Nos cochons, chevaux, mulets et notre bétail perdent en taille et en nombre, et nos bourses s’épuisent jusqu’au dernier cent pour se procurer aux États du Nord leurs remplaçants. »