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haussé dans une proportion correspondante, et cela loin d’être un avantage, deviendrait, — en ce qui regarde le commerce étranger, — un désavantage, « l’étranger livrerait ses marchandises au taux de l’argent dans le pays, en continuant de prendre celles du pays à la valeur de l’argent sur le marché général du monde. Le pays ferait donc des affaires dans le genre de ce grand seigneur qui, à la suite d’un pari, vendait sur le Pont-Neuf des écus de six livres pour une pièce de vingt-quatre sous[1]. »

Ici nous retrouvons la doctrine de Hume, Smith et de presque tous les autres écrivains sur la matière ; pourtant le monde ne présente pas un seul pays où de tels résultats se soient produits, et il n’est pas possible qu’il s’en trouve jamais un. La population qui produit la monnaie la vend, et désire la vendre aussi chère que possible, — ceux qui l’achètent ne le faisant qu’en fournissant à bon marché les utilités nécessaires à ceux qui la vendent ; et à meilleur marché que le puisse ou le veuille faire tout autre pays.

Toute la question et toute la théorie de la monnaie, cependant, se peut résumer en cette simple proposition, d’une vérité universelle : que dans le cours naturel des affaires humaines les prix des utilités brutes et des utilités achevées tendent à se rapprocher, — les premiers haussant à mesure que les autres baissent, et la vitesse de l’évolution augmentant à chaque surcroît de la quantité des métaux qui constituent l’étalon auquel il est nécessaire de rapporter les prix.

Ceci étant vrai, — et d’une vérité incontestable, — il suit nécessairement que les métaux précieux tendent toujours vers les pays où le cultivateur obtient les meilleurs prix pour ses produits, et achète le drap et le fer, les charrues et les herses au meilleur marché, — ceux où la quote-part du négociant et du transporteur est la plus faible, et celle du laboureur est la plus considérable, — ceux conséquemment où le commerce a le plus rapide développement et où les hommes tendent avec certitude à une émancipation entière de la suprématie du négoce.

§ 19. — Les métaux précieux sont le grand instrument, fourni par le Créateur, pour la production du mouvement sociétaire. Plus ce mouvement s’accélérera et plus s’accroîtra partout le pouvoir de l’individu d’obtenir les moyens de [subsistance, et celui de la communauté de commander les services de ces métaux.

Le pouvoir de l’homme sur la matière résulte de la combinaison d’effort, — plus le pouvoir d’association se perfectionne plus vite augmente partout la valeur du travail et plus vite décroît

  1. Michel Chevalier. De la monnaie, p. 375.