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une plus grande valeur qu’elle n’exporte pendant tout un demi-siècle peut-être ; l’or et l’argent qui y vient pendant tout ce temps peut en sortir immédiatement ; sa monnaie circulante peut diminuer graduellement ; différentes sortes de monnaie s’y peuvent substituer et même les dettes qu’elle contracte vis-à-vis des nations puissantes avec lesquelles elle traite peuvent s’accroître graduellement ; et cependant sa richesse réelle, la valeur échangeable de sa terre et de son travail peut, durant la même période, avoir été croissant dans une proportion beaucoup plus forte<re>Richesse des Nations, livre IV, chap. iii.</ref>. »

Pareille chose, dite au sujet d’un homme pris individuellement, semblerait le comble de l’absurdité, et pourtant on l’affirme au sujet des nations, comme si les lois qui régissent des communautés de milliers et de millions d’individus, étaient autres que celles qui régissent chacun des hommes dont ces communautés se composent. L’homme qui dépense plus qu’il ne gagne et trouve qu’il a de moins en moins de monnaie à sa disposition et qu’il est de plus en plus dans la nécessité de faire des dettes, s’aperçoit à la longue que son crédit a suivi sa monnaie, et qu’à chaque pas dans cette voie, il y a eu diminution dans la valeur de son travail, — ce qui tend graduellement à le conduire à la prison ou à la maison des pauvres ; et c’est précisément de même pour les nations. C’est pourtant par des assertions semblables que le Dr Smith prouve, à en croire ses partisans, « que rien n’est plus absurde que toute la balance du commerce,… » et qu’un déficit dans la quantité de coton et de sucre a plus d’importance pour une nation, qu’une diminution du grand instrument destiné à mettre les hommes à même de combiner leurs efforts, et par là d’augmenter leur pouvoir primitif.

Les colonies, du temps du Dr Smith, étaient dans une situation presque semblable à celle de la Jamaïque aujourd’hui. Leur population, — qui souffrait d’un lourde dette, — était à la merci de ses créanciers ; et par la raison que la mère patrie cherchait à empêcher toute combinaison d’action ayant pour objet de rapprocher le métier de la charrue. C’est au sentiment que cette politique était ruineuse pour leurs plus grands intérêts et non à la misérable taxe sur le thé que l’on a dû la révolution américaine. La Jamaïque a depuis marché dans la voie qui était alors prescrite à ces colonies,