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engageait fortement à ouvrir des comptoirs où l’on pût acheter et vendre la monnaie, autrement dit des banques. Il s’en ouvrit donc quelques-uns ; et si le gouvernement se fût abstenu d’intervenir, nul doute que la concurrence entre eux n’eût fourni graduellement un remède pour les embarras financiers d’alors. Napoléon cependant était fortement convaincu de la nécessité de maintenir et d’étendre cette même centralisation à laquelle son prédécesseur avait dû sa déchéance du trône ; et rien d’étonnant de le voir en 1804 décréter la consolidation d’une unique banque de France, et assurer à cette institution un monopole de la faculté d’émettre des billets de circulation. On voit toujours le soldat et le négociant former alliance étroite, — tous deux cherchant à faire fortune aux dépens du commerce. À peine toutefois l’alliance fut-elle formée que le premier se servit de l’autre pour ses propres desseins uniquement, — à peine la banque fut-elle créée, qu’elle fut requise de garantir à l’État une partie si considérable de son capital qu’elle se trouva dans un embarras sérieux au point qu’il fallut changer de système. Vint alors (1806) l’organisation définitive de l’institution sur le pied actuel avec un capital de 90.000.000 francs.

Tout en centralisant le pouvoir monétaire dans la capitale, le gouvernement retenait le droit d’autoriser la création de banques locales et de produire ainsi une action de contre-poids dans les provinces. Toutefois il exerça si peu ce pouvoir que les quarante années qui suivirent ne virent créer que dix de ces établissements, et tous d’un caractère si insignifiant, que leur capital réuni n’allait qu’à 24.000.000 francs, — et le montant total de leurs prêts à moins de 80.000.000. Telle fut la machine d’échange préparée pour un pays ayant une population beaucoup plus nombreuse que celle de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Cela se doit attribuer à l’excès de centralisation, comme le montre le passage suivant d’un livre que nous avons déjà plus d’une fois cité.

« Il n’y a peut-être pas une ville un peu considérable en France qui n’ait aspiré, soit dans un temps, soit dans un autre, à posséder une banque. Mais il suffit de savoir par combien de formalités inextricables il fallait passer pour obtenir un semblable privilège, quels obstacles il y avait à vaincre, quelles démarches à faire, quelles lenteurs à subir, pour comprendre qu’un grand nombre de villes ait renoncé à un avantage si difficile à conquérir. Obtenir