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§ 2. — La proportion de monnaie relativement au montant de commerce augmente dans les pays qui déclinent, et diminue dans ceux qui avancent.

Dans le premier âge de société, lorsque les hommes, pauvres et disséminés, sont forcés de se borner à la culture des sols les moins fertiles, la quantité de numéraire en usage, — toute insignifiante qu’elle soit, — est en proportion considérable à la somme de commerce entretenue. Dans les monts Altaï, une once d’argent suffit pour acheter deux cent cinquante livres de bœuf, ou cent livres de beurre ; et dans les Pampas de Buenos-Ayres, ce qu’on peut acheter de chevaux avec une once d’or se compte par des milliers. L’Hindou vend son mois de travail pour une roupie ; et lorsqu’il a eu la chance d’obtenir une pièce d’or, il l’enveloppe avec soin dans l’espoir de n’avoir jamais l’occasion de la remettre en lumière. Le misérable Lapon enfouit son trésor dans la terre et meurt, — sans avoir confié son secret à personne. En pareil cas, l’utilité du numéraire est faible, mais sa valeur est très-grande. Avec l’accroissement de population et l’accroissement qui s’ensuit du pouvoir d’association, la première s’élève, mais la seconde tombe, et cela en raison d’une diminution constante du coût de reproduction, résultat du surcroît de richesse et de pouvoir de l’homme. À chaque degré du progrès, la quantité d’argent nécessaire est en proportion décroissante au commerce auquel elle doit servir, comme on le voit en comparant la petite quantité qu’on emploie à Londres, Paris, Philadelphie ou New-York, pour effectuer des échanges, qui comptent journellement par millions, avec le commerce borné qui se trouve au Pérou ou dans l’Inde, où —la société étant languissante — chaque échange se doit accompagner de la livraison des espèces nécessaires à son accomplissement. À mesure que vous augmentez la vitesse de l’eau, il en faut moins pour produire un effet donné, et il en est exactement de même pour la monnaie. Là, comme dans toute la nature, la vitesse accélérée du mouvement s’accompagne d’une proportion moindre de la matière employée pour l’effet produit.

§ 3. — La centralisation, en ralentissant le mouvement sociétaire, élève cette proportion.

La centralisation, tant politique que trafiquante, tend à diminuer le mouvement avec augmentation constante de la proportion de numéraire nécessaire et diminution de l’effet — le progrès dans ce sens emporte une communauté vers un état de choses qui ressemble à la barbarie des établissements primitifs. Plus le montant des taxes nécessaires est considérable, plus considérable aussi sera la quantité de numéraire constamment en route vers la tréso-