Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 2.djvu/360

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce n’est pas le capital, mais la faculté de le payer. Voilà le capital dont il a besoin. Tous ces outils, tout ce bétail, toutes ces semences lui seraient singulièrement utiles pour sa culture, et il en tirerait un admirable parti dans l’avenir ; mais les moyens actuels de se les procurer lui font faute, et il se voit contraint de renoncer aux avantages qu’il en pourrait tirer. » — « En supposant, comme il ajoute, que le crédit lui donne cette faculté de payer, tout aussitôt il distribue ses commandes ; alors aussi le charron, le forgeron, l’éleveur de bétail, le fabricant d’engrais se mettent à l’œuvre, et en peu de temps le capital agricole abonde dans le pays. »

Afin cependant que ce crédit puisse exister, il faut une base sur laquelle il puisse reposer, et cette base n’est rien autre chose que la monnaie. — Chaque individu qui accepte un billet ne le fait que parce qu’il croit pouvoir, quand il le voudra, le changer en monnaie. Le pouvoir d’établir cette base en France doit s’accroître à chaque pas, tendant à diminuer le poids des taxes et de l’intérêt, comme c’est le cas pour le pas qui substitue l’or à l’argent dans les payements à ceux qui touchent intérêt sur les actions de banques, hypothèques et dettes publiques. Chaque accroissement de la facilité de faire ces payements est, nous l’avons dit, de nature égalisante, et c’est pourquoi l’aristocratie monétaire de France a manifesté une si vive anxiété de borner la circulation exclusivement au métal le plus cher, — l’argent. Ce qui est remarquable cependant, c’est que, au nombre de ceux qui semblent le mieux apprécier « les maux, » comme ils disent, qui doivent résulter d’un surcroît de la quantité et d’une diminution de la valeur de la monnaie, et insistent le plus vivement pour des lois interdisant l’emploi facultatif de l’or dans les diverses transactions, se trouvent les partisans en chef du système connu sous le nom de libre échange, et les principaux opposants à toute intervention gouvernementale dans les opérations individuelles des membres de la société[1].

  1. Voir dans le Journal des Économistes, n° de mai 1851, un article sur la dépréciation de l’or. Il est assez remarquable que les opposants les plus actifs aux mesures qui tendent à l’utilisation de la monnaie et à la diminution qui s’ensuit du taux d’intérêt se fassent en Angleterre, en France et aux États-Unis, les champions les plus empressés du système qui vise à la centralisation des manufactures au moyen de ce qu’on a appelé les mesures de libre-échange. Sir Robert Peel fut l’auteur de diverses limitations à la circulation monétaire anglaise ; et la croisade américaine contre les banques et leurs billets se continue aujourd’hui par les