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direction que se trouve la preuve la plus concluante d’une civilisation qui avance et d’un commerce qui se développe.

Tous les faits sont en accord complet avec cette assertion, le lecteur s’en convaincra en remarquant que le prix du coton est bas à la plantation, et haut à Manchester ou Lowell ; tandis que la cotonnade est meilleur marché à Lowell qu’elle ne l’est en Alabama ou en Louisiane. Le blé, en Illinois, est souvent à si bon marché qu’on échange un boisseau contre ce qu’il faut d’argent pour payer une aune de la plus grossière cotonnade ; tandis qu’à Manchester il est si cher que le boisseau payerait une douzaine d’aunes. Le fermier anglais profite doublement — obtenant beaucoup d’étoffe pour son blé, et en même temps augmentant la quantité de celui-ci à l’aide de l’engrais qui lui est fourni par son compétiteur de l’Ouest. Le dernier perd doublement, — donnant beaucoup de blé pour peu d’étoffe, et y ajoutant de surcroît l’engrais que fournira la consommation de son blé, perte d’engrais à laquelle est due la diminution incessante des pouvoirs de son sol.

Si nous regardons en arrière dans le temps, nous obtenons des résultats exactement semblables à ceux obtenus en passant des pays où les hommes se trouvent associés, et où par conséquent la richesse abonde, à ceux où ils sont disséminés au large, et où par conséquent ils sont faibles et pauvres. À la fin du quinzième siècle, huit ecclésiastiques, assistant aux funérailles d’Anne de Bretagne, étaient royalement entretenus à raison de 3 francs 13 centimes de monnaie d’aujourd’hui[1] ; tandis que la dépense en soie à cette occasion montait à 25 francs, on aurait aujourd’hui la même quantité de soie pour moins qu’un franc et demi — somme qui ne payerait pas un simple dîner. Le possesseur de quatre mains de papier en aurait obtenu plus de monnaie qu’il n’en fallait pour acheter un cochon, et moins de deux rames auraient acheté un taureau.[2] En Angleterre nous avons des faits précisément semblables. Cochons, moutons et blé étaient à bas prix, tandis que le drap était cher, et par conséquent s’importait de pays lointains. Venant à une époque plus moderne, la première moitié du dernier siècle, nous trouvons que le blé et la laine sont à bon marché, tandis que le drap et le fer sont chers ; au lieu qu’à la fin du même siècle les premiers vont

  1. Leber. Fortune privée du moyen âge, p. 31.
  2. Ibid., p. 50.