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s’en est servi pour ses fins. Pour atteindre ce but, l’expérience du monde entier nous prouve que la protection est indispensable.

§ 8. — Dans tous ces pays les utilités achevées sont tombées à meilleur marché.

On objecte cependant que les mesures protectrices tendent à élever le prix des utilités manufacturées, et qu’ainsi le fermier supporte une taxe au bénéfice des gens qui transforment son blé et sa laine en drap. En est-il ainsi ? Examinons. Toutes les utilités vont des localités où elles sont à bon marché à celles où elles sont chères ; et si nous pouvons discerner là où les articles manufacturés sont exportés et là où ils sont importés, nous pouvons trouver là où ils sont à haut prix, là où ils sont à bas prix. Dans aucun pays du monde la protection n’a été si complètement établie qu’en Angleterre, et pourtant ce pays a, depuis plus d’un siècle, fourni le monde entier de drap et de fer. En France la protection a été maintenue avec une fermeté remarquable, et la protection a été tout à fait complète, et pourtant la France est aujourd’hui, de tous les pays du monde, le plus grand exportateur de ses propres produits sous forme achevée, et maintient en conséquence le plus large commerce extérieur. En Allemagne, le drap et la quincaillerie ont remplacé les premières exportations de blé et de laine. L’expérience de tous ces pays tend donc à constater le fait que la protection met une population à même d’être pourvue à bon marché des utilités achevées, nécessaires à la satisfaction de ses besoins.

Passons aux pays, où les produits manufacturés sont à haut prix et où par conséquent ils sont importés, nous trouvons que ce sont ceux qui sont sevrés de protection[1], par exemple : Portugal et Turquie, Jamaïque et Inde, ce qui constate que l’absence de protection force une population à payer de hauts prix pour les utilités classées au premier rang parmi celles manufacturées.

Voyons maintenant les États-Unis ; nous trouvons que de toutes les branches de l’industrie aucune n’a été si parfaitement protégée que celle de la marine — et que de toutes c’est celle dont la communauté est pourvue au meilleur marché. Autre fait, nous voyons

  1. Dans quelques pays on a essayé de la protection, mais la faiblesse du gouvernement est cause que les provisions des lois ne sont pas mises à exécution. Le traité de Methuen avec le Portugal et la possession de Gibraltar ont permis au peuple anglais de se moquer des lois espagnoles. Il en est ainsi pour l’Italie et le Mexique, deux pays qui essaient de la protection, mais qui sont incapables de lui donner force.