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prélève naturellement une part de lion sur le produit de leurs efforts ; et plus sa part est forte plus s’accroît son pouvoir de les contraindre à rester dans la dépendance de sa faveur. À l’occasion il leur prête sur le capital ainsi extorqué, une portion, dans le but de faire des routes et de faciliter davantage l’épuisement de leur terre ; mais plus il font de routes plus s’accroît la tendance à une plus grande dispersion et une plus grande perte de pouvoir. Les chemins de fer d’Irlande ont servi de préliminaires aux famines, aux maladies, aux dispersions qui ont eu lieu depuis ; et ceux de l’Inde ne sont que préparatoires à un plus grand et complet épuisement de son sol et à une diminution plus rapide de sa population.

Il en est de même ici. Plus il se construit de routes, plus s’accélère la dispersion de population, — plus s’amoindrit le pouvoir de combinaison, — plus s’avilissent les prix obtenus sur le marché, — plus s’accélère le développement des cités centrales, — plus se complète la dépendance, dans laquelle le pays se trouve, de ces cités pour des avances sur les récoltes sur pied, ou pour aider à la construction de routes ; mais plus se revêtent de splendeur les palais bâtis par « les princes du négoce,» dont les fortunes grossissent plus rapidement lorsque le fermier est forcé d’accepter le plus bas prix pour sa farine, — lorsque le planteur reçoit le moins possible pour son coton, — et lorsque le sol va s’épuisant au plus vite.

Le but du trafiquant est directement le contraire de celui auquel aspirent les hommes qui travaillent à produire et qui doivent consommer. Il désire que le grain soit à bon marché et la farine chère ; que le coton soit bas et le drap élevé ; plus l’écart est considérable, plus considérable est la quote-part qu’il retient dans les utilités. Son pouvoir croît avec la dispersion de la population et le déclin du pouvoir en elle d’entretenir commerce ; et c’est là le cours des choses dans les pays qui marchent sur la trace anglaise, y compris les États-Unis.

§ 7. — Le trafiquant trouve profit à l’instabilité. Irrégularité remarquable dans le mouvement des périodes de libre-échange.

Le trafiquant prospère au moyen d’oscillations dans les prix des utilités qu’il vend. Il désire acheter bon marché, vendre cher ; et plus se répètent les vicissitudes du négoce, plus il a de chances pour grossir sa fortune. Le fermier et le planteur, le mineur et le fondeur de fer veulent une fermeté soutenue, car ils doivent cal-