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pays qui exportent les produits du sol à leur état le plus grossier, tels que le Portugal, la Turquie, l’Irlande, l’Inde, les deux Carolines, et même l’État de l’Ohio, et quelques autres parmi les États de l’Ouest. Aussi voit-on aujourd’hui des individus quitter, par mille et par dizaines de mille, les terres de la Géorgie et de l’Alabama, États de création récente. La dispersion de la population entraîne avec elle, nécessairement, un accroissement du travail indispensable pour opérer l’échange et le transport, et une diminution dans la somme de travail que l’on peut consacrer à la production, qui changent ainsi les proportions de la société dans un sens opposé au progrès de la civilisation. Elle entraîne également un abaissement dans la puissance d’association, en même temps qu’un accroissement correspondant dans la somme de force physique et intellectuelle qui reste complètement sans emploi ; et c’est à raison de cette déperdition incessante, que l’agriculture américaine continue de rester à un état si grossier.

§ 7. — Difficulté de combinaison chez un peuple purement agricole. L’asservissement du travailleur est la conséquence nécessaire.

De toutes les occupations auxquelles l’homme se livre, l’agriculture est celle qui exige le plus de connaissances. Cependant c’est celle qui est le plus sujette à se voir attaquée par des individus dont l’existence est fondée sur l’exercice de leur pouvoir d’appropriation. Forcé de travailler dans son champ, le fermier, est exposé, toutes les fois que la guerre a lieu, à voir ses récoltes détruites, ses bestiaux enlevés, sa maison et sa grange incendiées, et sa famille et lui-même obligés de chercher un refuge dans les remparts de la ville. Le général en chef réclame ses services, pour continuer les guerres entreprises contre un peuple lointain qu’on veut réduire à la même condition que lui-même. Le trafiquant fomente les dissensions parmi les nations de la terre et taxe le fermier, pour l’entretien de flottes et d’armées nécessaires pour entretenir « le système de navigation, de colonies et de commerce. Tous ces individus se réunissent dans les villes et peuvent s’entendre pour l’accomplissement de leurs desseins ; tandis que la population des campagnes, étant pauvre et très-disséminée, ne peut se concerter pour sa défense personnelle. De là vient que l’individu qui cultive la terre est asservi à un si haut point ; et que son travail, l’un de ceux qui sont le plus propres à dilater le cœur et à développer l’intelligence, a été et est encore, à cette heure, dans un si grand nombre de pays, considéré comme digne d’occuper seulement des esclaves.