Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 2.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au lieu de rente, et sont libres d’user de leur terre et de leur travail comme il leur plaît. Aujourd’hui est garanti au serf, non seulement le droit de posséder en propre, mais le droit de contracter et de tester en cours de justice, ce qui lui était refusé auparavant.

« Le serf, nous dit un autre récent voyageur, ne peut encore acheter sa liberté, mais il devient libre par l’achat du morceau de sol auquel il était lié. Le droit de contracter lui a ouvert la route à un tel achat. Le Russe paresseux qui travaillait à contre-cœur pour son maître, faisant aussi peu que possible d’ouvrage pour le bénéfice de celui-ci, travaille nuit et jour dès qu’il y va de son propre avantage. À la paresse succède une amélioration diligente de sa terre ; à l’ivrognerie brutale, la sobriété et la frugalité. La terre, auparavant négligée, répond par ses plus riches trésors au soin qu’on lui prodigue. Par la magie d’industrie, de misérables huttes se transforment en demeures confortables ; un désert, en champs florissants ; des steppes désolées, des marais profonds, en un sol productif ; des communautés entières, naguère plongées dans la pauvreté, présentent les signes indubitables d’aisance et de bien-être. »

Par la force d’une série de mesures de la nature que nous venons d’indiquer, poursuivies avec fermeté pendant une longue suite d’années, une moitié de la population russe est déjà affranchie de toute réclamation de services personnels, et partout où l’ouvrier trouve facilement à s’employer, les paysans trouvent avantage dans les changements opérés ; là où cette circonstance fait défaut, mieux vaut pour le paysan rester serf que devenir libre. C’est l’opinion de M. Tegoborski[1].

C’est le dernier cas dans ces parties de l’empire qui sont loin d’un marché, « celles qui sont peu favorisées par les consommateurs et l’industrie, » et parmi cette population où la circulation de numé-

  1. Individus soumis à la corvée.
    Population mâle.
    Paysans appartenant aux particuliers dans tous les gouvernements de la Russie d’Europe, d’après le recensement de 1851. 11.451.200
    Paysans attachés aux terres que possèdent les odnordvortsy. 11.000
    Paysans des domaines de la couronne non encore affranchis de la corvée dans quelques-uns des gouvernements de l’ouest. 221.000
    ----------------
    Total 11.683.200