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proportion de subsistances produite à ce qui est nécessaire pour l’accroissement de population[1]. Dans le premier, la terre va constamment changeant de mains, et « le peuple de toutes classes, » dit M. Kay, « est apte à devenir propriétaire. Les boutiquiers et les ouvriers des villes achètent des jardins hors de la ville, où ils travaillent en famille dans les belles soirées, à faire pousser des légumes et du fruit pour le ménage. Les boutiquiers qui ont fait une petite fortune achètent des fermes, où ils se retirent avec leur famille pour se reposer du travail et oublier la vie de la ville. Les fermiers achètent les fermes qu’ils tenaient à bail des grands propriétaires, tandis que la plupart des paysans ont acheté un faire-valoir ou bien économisent et mettent de côté tout ce qu’ils peuvent épargner de leurs gains, afin d’acheter un champ ou un jardin aussitôt que possible[2].  »

« La vie du paysan dans ces pays où la terre ne rencontre pas dans les lois obstacle à la subdivision est, comme le dit avec très grande raison M. Kay, une vie d’éducation de la plus haute moralité. Sa condition nullement entravée le stimule à se faire une condition meilleure, à économiser, à être industrieux, à ménager ses ressources, à acquérir des habitudes morales, à user de prévoyance, à augmenter ses notions d’agriculture, et à donner à ses enfants une bonne éducation, qui leur permette d’améliorer le patrimoine et la position sociale qu’il leur laissera[3]. » Aussi l’agriculture va-t-elle donnant d’année en année plus de produits ; d’où suit qu’il n’existe pas là de plainte, comme dans la Grande-Bretagne, au sujet du paupérisme grandissant. Le système dans un pays vise à développer l’habitude de compter sur soi ; dans l’autre il vise à l’anéantir[4].

  1. « Nul doute que cinq acres, appartenant en propriété à un paysan intelligent, qui cultive lui-même dans un pays où les paysans ont appris à cultiver, rendra toujours beaucoup plus, par acre, que le même nombre d’acres exploité par un simple tenancier. Dans le cas du paysan propriétaire, son activité et son énergie accrues, le profond intérêt qu’il sent améliorer son bien, qui accompagnent toujours le fait de la propriété, compensent et au-delà l’avantage attaché au fait qu’il faut moins de capital pour l’exploitation d’une grande ferme, proportion gardée avec la quantité de terre, que pour une petite. » Social Condition, vol. I, p. 113.
  2. Ibid., p. 58.
  3. Ibid., p. 200.
  4. « Le système anglais et irlandais de tenure de la terre, sèvre le paysan de toute induction mondaine à pratiquer le non-égoïsme, la prudence et l’économie ; il