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pour comprendre vite les besoins de l’époque. Il y eut en Prusse des économistes qui allaient même jusqu’à proposer de ressusciter le système Physiocrate, mort depuis plusieurs années.

Mais là encore la nature des choses l’emporta sur la théorie. On ne pouvait plus longtemps rester sourd au cri de détresse, poussé par les fabricants, surtout lorsque ce cri vint de l’industrie d’un pays qui regrettait sa précédente union à la France et où il était important pour la Prusse d’entretenir un bon esprit. L’opinion que le gouvernement anglais poussait, et très-efficacement, à inonder d’objets manufacturés les marchés du continent, afin d’étouffer au berceau l’industrie qui venait de naître, gagnait alors du terrain. On l’a tournée en ridicule ; mais rien d’étonnant que cette opinion prévalut, la conduite de l’Angleterre était précisément celle que dictait une telle politique. L’inondation eut lieu exactement comme si elle eût été préméditée. Un illustre membre du parlement, Henry Brougham, depuis lord Brougham, a pleinement déclaré en 1815 « que l’Angleterre pouvait risquer quelque perte sur l’exportation des produits anglais dans le but de ruiner les manufactures étrangères dans leur berceau cette pensée d’un homme qui depuis a été tellement vanté comme un philanthrope cosmopolite et libéral, était reproduite dix ans plus tard, dans les mêmes termes à peu près par un autre membre du parlement, non moins fameux par ses vues libérales, M. Hume, qui lui aussi émettait le vœu « que les manufactures du continent fussent étouffées dans leur berceau. »

« La réclamation des fabricants prussiens fut enfin écoutée — bien tard il est vrai, car ils avaient eu des années à lutter entre la vie et la mort — et le remède fut appliqué de main de maître. Le tarif prussien de 1818, répondit, à l’époque de sa rédaction, à tous les besoins de l’industrie prussienne, sans augmenter d’une manière indue la protection nécessaire, et sans restreindre les relations dont il était besoin avec les pays étrangers. Ce tarif était beaucoup plus modéré dans ses droits que ceux d’Angleterre et de France, comme cela devait être, car il ne s’agissait pas de passer par degrés du système prohibitif au système protecteur, mais de ce qui est appelé libre échange à la protection. Un autre mérite éminent de ce tarif, considéré dans son ensemble, fut de spécifier les droits principalement selon le poids et non pas ad valorem. Non-seule-