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division de la terre, dans la tendance graduellement croissante vers l’égalité de condition, et dans la proportion plus grande des pouvoirs de la communauté donnée aux travaux des champs. Le changement est lent, et par la raison que l’Angleterre et la France sont toutes deux actives à prévenir le développement de manufactures dans la Péninsule — dans la croyance, apparemment, que leur propre accroissement en richesse et en pouvoir dépend du degré auquel elles peuvent appauvrir et affaiblir les autres sociétés du globe. L’Angleterre dépense dix fois plus que le profit sur le commerce d’Espagne à conserver Gibraltar, qui lui sert, au mépris des stipulations des traités, comme d’un dépôt de contrebande ; et ses économistes font ressortir l’énorme avantage qu’elle tire de ses relations actuelles avec le Portugal, à cause des facilités ainsi fournies d’envoyer des laines et des cotons « en contrebande en Espagne[1]. » En trafic et en guerre, la fin sanctifie les moyens ; et, comme la politique britannique ne vise qu’à l’extension du trafic, il est naturel que les enseignants anglais arriveront à conclure que le contrebandier « est le grand réformateur de l’époque », et que leur gouvernement doit fournir toute facilité pour la violation des lois de tous les pays qui cherchent, au moyen de la protection, à favoriser l’accroissement de commerce.

On ne peut imaginer de politique à vues plus étroites que celle de ces deux nations vis-à-vis de l’Espagne. En la tenant pauvre, elles détruisent son pouvoir productif et l’empêchent d’acquérir l’aptitude d’acheter les produits de la terre et du travail de leurs propres populations. Le sens commun, la moralité commune et la vraie politique marchent toujours de conserve, tant dans la vie privée que dans la vie publique ; et, là où ils sont le plus parfaitement combinés, la population tend à augmenter le plus rapidement avec déclin constant de la crainte d’un excès de population.

  1. Mac-Gregor. Statistics, vol. II, p. 1122.