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difficulté et le coût de transport au marché étant tels qu’ils empêchent complètement le producteur d’essayer de disposer utilement de leurs denrées. Des articles de la nécessité la plus absolue et la plus régulière, — par exemple le blé, — sont à des prix absurdement différents dans les diverses contrées du royaume ; la proximité d’un marché suffisant pour leur donner leur valeur courante dans une localité, tandis que dans une autre ils pourrissent peut-être en magasin sans l’espoir d’une demande. Tant qu’on ne remédiera pas à un tel état de choses, ajoute ce voyageur, « il sera inutile d’améliorer le sol ou de stimuler la production dans les districts retirés, et toute circonstance qui semble porter promesse d’un tel remède, doit entrer dans les calculs de l’avenir, et être utilisée selon ses probabilités. »

Ce n’est là cependant que ce qui se rencontre dans tout pays, où, par suite du manque de pouvoir d’association et de combinaison, le fermier dépend entièrement de marchés éloignés et est forcé de payer la lourde taxe qui résulte de la nécessité d’effectuer des changements de lieu. La déperdition ici est énorme et, comme suite nécessaire, c’est à peine si le pouvoir existe de faire de nouvelles routes ou de réparer les vieilles. Si la population des districts en question avait un marché sous la main, où son blé se pût combiner avec la laine qui se tond dans le voisinage immédiat, elle pourrait exporter du drap, et ce drap voyager même sur les routes qu’elle possède. Dans la circonstance actuelle, elle a à exporter tous les deux, blé et laine, et sur de telles routes ; tandis que si l’artisan pouvait, conformément à la doctrine d’Adam Smith, prendre partout place à côté du laboureur et du berger, et si les femmes étaient mises à même de trouver occupation autre que le travail des champs, les villes s’accroîtraient, les hommes gagneraient en richesse et en pouvoir, et l’on pourrait faire vite des routes meilleures. Même aujourd’hui toutefois, il y a tendance rapidement croissante vers la construction de chemins de fer, et nul doute que les modes de communication ne tarderont pas à s’améliorer de manière à rapprocher de beaucoup les prix payés par le consommateur et ceux reçus par le producteur[1]. Un tel rapprochement, cependant, ne

  1. « Un document officiel, publié en 1849, constate qu’au moment où le blé se vendait à Barcelone et à Tarragone (place de consommation) à un prix en moyenne de 25 francs, le prix, à Ségovie, dans la Vieille Castille (une place de production)