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ue ses habitants dépendaient à cet égard du simple acte de l’appropriation ; et plus la population est considérable, plus devient complète l’économie de travail et plus est rapide l’accroissement de capital. Il y a alors une plus grande tendance à soumettre les terrains plus riches à la culture, en même temps qu’un nouvel accroissement dans les quantités de subsistances, et à développer les richesse minérales de la terre, à l’aide desquelles augmente encore la puissance de l’homme sur les forces nombreuses et puissantes de la nature.

Le Sauvage, ainsi que nous le voyons, gaspille presque complètement toutes ses forces. Le colon isolé en perd une part considérable, ainsi qu’on le voit dans tout pays qui n’a qu’une faible population. Dans les montagnes du Tibet, comme il n’existe point de demande de travail, on rencontre de nombreux monastères, remplis d’hommes oisifs qui vivent aux dépens de leurs semblables. Il en était de même, au Moyen-Age ; et il en est ainsi aujourd’hui en Irlande, en Italie, en Turquie, en Afrique et dans l’Inde, où presque tous les individus sont voués aux mêmes occupations, où il n’y a aucun développement des facultés individuelles, et où, conséquemment, il se fait peu de commerce. La puissance du travail est, de toutes les denrées, la plus difficile à transférer et la plus périssable ; car si elle n’est pas mise immédiatement en usage, elle est perdue à jamais[1].

§ 4. — Changements dans les proportions de société résultant de l’accroissement du pouvoir d’association et de combinaison.

Les proportions de travail perdu et de travail employé, ainsi que nous l’avons déjà démontré, changent avec le développement de la population. La société elle-même tend à revêtir, peu à peu, une forme correspondante à celle que nous avons décrite dans le der-

  1. Relativement au transfert du travail, la supposition que celui-ci abandonne facilement les emplois moins profitables pour les emplois qui le sont davantage. Ceci de manière à produire une sorte d’équilibre de salaire, pour des espèces identiques d’efforts et de sacrifices, doit n’être évidemment admise, qu’en faisant une large part à ces différences mêmes pour les salaires agricoles. La différence profonde qui existe entre le postulat scientifique et le fait brutal nous est encore révélée plus complètement, par une carte que nous trouvons dans le nouvel ouvrage de M. Caird sur l’Agriculture, où l’Angleterre nous apparaît réellement séparée par une ligne de démarcation, en pays de salaires élevés et pays de bas salaires, avec une différence moyenne de 37 p. % entre les deux. En d’autres termes, des masses de population ont été longtemps dans le Sud rongées par l’ulcère de la misère, ne gagnant que six ou sept schillings par semaine, tandis que d’autres à la même époque, ont obtenu dans le Nord, presque moitié autant, en se livrant aux mêmes genres de travaux. (Lalor, l’Argent et les Mœurs, p. 117.)