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créer une grande ville centrale destinée à diriger les manières de penser et d’agir, et c’est à cela qu’il faut attribuer ce fait, que l’Allemagne prend si rapidement aujourd’hui la position de centre intellectuel principal, non-seulement de l’Europe, mais du monde entier.

Parmi les États de l’Allemagne il n’en est aucun dont la politique ait tendu aussi fortement que celle de la Prusse au maintien des centres locaux d’action, comme avantageux à la fois aux plus précieux intérêts du peuple et de l’État. Toutes les anciennes divisions, depuis les communes jusqu’aux provinces, ont été soigneusement conservées, ainsi que leurs constitutions ; et nous voyons, comme conséquence de ce fait, la population marchant très-rapidement vers la liberté, tandis que l’État fait de non moins rapides progrès en richesse et en pouvoir. Les résultats pacifiques de la décentralisation se manifestent là pleinement dans ce fait, que, sous la conduite de la Prusse, l’Allemagne du Nord a été amenée à un vaste système de fédération, grâce auquel le commerce intérieur a pris un rang qui correspond presque exactement à celui des États-Unis.

Nulle part en Europe, la décentralisation n’avait été plus en vigueur, et nulle part la tendance à une association pacifique, ou, en d’autres termes, la force de résister aux attaques du dehors, résultat de l’union, ne s’était montrée plus complètement qu’en Suisse, malgré l’existence des dissidences religieuses les plus profondes. Les guerres et les révolutions de la période qui se termine en 1815, les révolutions continuelles et le développement toujours croissant de la centralisation en France, ont cependant produit en Suisse leur effet accoutumé, en donnant naissance à l’établissement d’une centralisation plus prononcée, sous l’empire de laquelle les cantons plus faibles ont été privés des droits dont ils avaient joui depuis plusieurs siècles ; et la tyrannie et l’oppression remplacent peu à peu la liberté et l’immunité, en matière d’impôts, qui existaient antérieurement.

La Révolution française anéantit les gouvernements locaux qu’elle aurait dû fortifier ; et c’est ainsi que la centralisation augmenta lorsqu’elle aurait dû diminuer ; les conséquences de ce fait se manifestent dans une succession perpétuelle de guerres et de révolutions. On fit un grand pas vers la décentralisation lorsque les