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tante à un état pire dans la situation de la population agricole qui reste encore, ainsi que le révèle M. Cobden, lorsqu’il conseille à ses lecteurs « de faire une promenade dans la campagne, sur les dunes, à travers les mauvaises herbes ou les marais ; auquel cas ils se convaincront que le salaire moyen des travailleurs, en ce moment, n’équivaut pas à 12 schell. par semaine. Demandez-leur, continue-t-il, comment une famille, composée de cinq individus (estimation faite au-dessous de leur moyenne), peut vivre de pain à 2 pence 1/2 la livre ? Personne ne saurait le dire. Mais suivez le travailleur au moment où il dépose sur le sol sa bêche ou son hoyau, et s’apprête à dîner dans la grange ou le hangar voisin ; jetez les yeux sur son bissac, ou arrivez tout à coup dans son cottage, à midi, et examinez en quoi consiste le dîner de la famille : du pain ; rarement quelque autre aliment meilleur, et pas toujours en quantité suffisante ; et sur son salaire il n’est rien resté pour se procurer du thé ou du sucre, du savon, de la chandelle, ou des vêtements et les mois d’école de ses enfants ; et l’argent qu’il doit recevoir à la moisson prochaine est déjà engagé pour ses chaussures ; et telle est la destinée de millions d’individus, vivant à nos portes mêmes, qui forment la majeure partie des agriculteurs qui se trouvent aujourd’hui, dit-on, dans un état si prospère. Jamais, de mémoire d’homme, la condition des ouvriers de ferme n’a été pire qu’en ce moment[1]. »

Telle est la condition de millions d’Anglais[2] ; et il en est ainsi,

  1. Cobden. Qu’arrivera-t-il après ? et après ?
  2. « Les paysans de nos villages sont repoussés sans cesse d’un cottage à l’autre, ou expulsés de leurs cabanes, condamnés à manquer d’un toit quelconque, aussi couramment et avec aussi peu de souci de leurs goûts ou de leur bien-être personnel, que si nous faisions changer de place nos cochons, nos vaches et nos chevaux pour les faire passer d’une étable ou d’un hangar dans un autre. S’ils ne peuvent avoir une maison dont le toit abrite leurs têtes, ils se rendent à l’Union et sont répartis, l’homme d’un côté, la femme de l’autre, et les enfants ailleurs encore. C’est là une affaire réglée. Nos paysans supportent un pareil sort, ou, s’ils ne le peuvent supporter, ils meurent, et c’est chose terminée (de ce côté du tombeau), bien que nous laissions à imaginer à un catholique anglais comment les choses se passeront au grand jour où se rendront les comptes. Nous voulons dire seulement qu’en Angleterre l’œuvre a été accomplie ; les cottagers ont été exterminés, les petites propriétés abolies, le procédé d’éviction est devenu superflu ; la parole du landlord est passée à l’état de loi, le refuge des mécontents réduit à une maison de travail, et tout cela sans qu’on ait entendu parler d’un coup de fusil, d’un coup de