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teurs « que le nombre des détaillants et des boutiquiers est hors de toute proportion avec les besoins de la société ou le nombre des classes productrices. » « En beaucoup d’endroits, continue-t-il, il se trouve dix boutiquiers pour faire la besogne qui suffirait à un seul ; telle est du moins l’évaluation de M. Mill. Or, ces individus, quelque laborieux et quelque actifs qu’ils soient, n’ajoutent rien à la production et, conséquemment, à la richesse de la société. Ils distribuent simplement ce que d’autres produisent ; et, de plus encore, dans la proportion de leur excédant, ils diminuent la richesse sociale. A la vérité, la plupart d’entre eux vivent en s’arrachant réciproquement le pain de la bouche ; mais cependant ils vivent, et souvent réalisent des profits considérables. Évidemment, ils le font en grevant l’article qu’ils vendent d’un droit de tant pour cent. Si donc une société doit entretenir deux détaillants lorsqu’un seul suffirait pour accomplir le travail, les articles qu’ils vendent doivent coûter à cette société plus qu’il ne faut, et le pays s’appauvrit d’autant, en entretenant un trop grand nombre de travailleurs improductifs. Tout homme qui examine un pareil sujet est surpris de constater quelle portion insignifiante du prix payé par le consommateur, pour un article quelconque, revient au producteur ou à l’importateur, et quelle part considérable est prélevée par le distributeur[1]. »

  1. « Je pense que tout individu qui a eu occasion de rechercher, dans certains cas particuliers, quelle part du prix payé dans un magasin, pour un article quelconque, revient, réellement, à celui qui l’a fabriqué, doit avoir été surpris en constatant combien cette part est faible. Il importe beaucoup de considérer la cause d’un pareil fait… — On ne doit pas l’attribuer à la rémunération exorbitante du capital. Je crois que cela tient à deux motifs : l’un est la part énorme, je pourrais dire extravagante, du produit total du labeur de la société, qui aujourd’hui revient aux simples distributeurs, la somme immense prélevée par les différentes classes de marchands, et surtout par les détaillants. Sans aucun doute, la concurrence tend, jusqu’à un certain point, à réduire ce taux de rémunération ; je crains, cependant, que, le plus souvent, et à considérer les choses en masse, l’effet de la concurrence ne soit, ainsi que dans le cas des honoraires d’individus exerçant des professions spéciales, de partager la somme entre un plus grand nombre et de diminuer ainsi la part de chacun, plutôt que de faire baisser la proportion de ce qu’obtient la classe en général… — Si l’œuvre de la distribution qui emploie aujourd’hui, en y comprenant les diverses classes de marchands et leurs familles, peut-être plus d’un million d’habitants de ce pays, peut s’accomplir par l’intermédiaire de cent mille individus, je crois qu’il serait possible de se passer des neuf cents autres