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sance productives, au profit des classes dont l’existence dépend de leur pouvoir d’appropriation.

On pourrait supposer cependant que les autres marchés qui avaient été acquis étaient de nature à établir quelques compensations pour les pertes subies par la terre et le travail anglais, résultant de la poursuite constante d’un système si complètement contraire aux idées éclairées de Smith ; et c’est pourquoi nous considérerons le trafic entretenu avec les milliards d’individus qui composent la population de l’Inde. L’exportation du fil et des tissus de coton en ce pays ne s’élevait pas alors à 70.000.000 de livres, et l’importation du coton brut à 200.000 balles, chacune de 400 livres ; et cependant c’était là le seul article de trafic avec ce pays qui eût quelque importance réelle, ou qui fût sérieusement indispensable au maintien du système que nous avons déjà retracé. La quantité de coton aujourd’hui convertie en tissus dans la petite ville de Lowell, où l’on compte 13.000 ouvriers, étant de 40.000.000 de livres, il suit de là que deux petites localités semblables exécuteraient tout le travail nécessaire pour tout le trafic auquel l’Angleterre est redevable de la destruction des fabriques d’étoffes de coton et du commerce de l’Inde, mesure qui a amené à sa suite une misère et une indigence « auxquelles on ne trouve rien à comparer dans les annales du commerce. »

Pour accomplir cette mesure, il a fallu que les enfants anglais de l’âge le plus tendre fussent tenus de travailler 12 ou 14 heures par jour, qu’ils employassent les matinées du dimanche à nettoyer les machines, et que les hommes, les femmes et les enfants fussent abrutis à un point que peuvent se figurer ceux-là seulement qui ont étudié les rapports des commissions instituées à diverses époques, dans le but d’amender quelques-uns des maux nombreux résultant du système[1]. Nous ne devons pas nous étonner que la théorie de

  1. « Le grand nombre de cabarets de bas étage dans nos districts manufacturiers forme un triste et étrange spectacle, On en trouve dans toutes les rues et dans toutes les allées des villes et pour ainsi dire, dans toutes les ruelles et à tous les coins des villages les plus champêtres de ces districts, si l’on peut, toutefois, appeler champêtre aucun de ces villages.
      » L’habitude de l’ivrognerie envahit les masses d’ouvriers à un point inconnu jusqu’à ce jour dans notre pays. Dans la plupart de ces tavernes et de ces cabarets des districts manufacturiers, on entretient des prostituées dans le but exprès d’exciter les ouvriers à les fréquenter, rendant ainsi ces lieux doublement funestes