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naire, le prix des subsistances haussa, tandis que celui du travail baissa ; et l’on vit bientôt les conséquences de ce fait dans le rapide accroissement de la population des maisons de charité.

Le paupérisme prit une extension inconnue jusqu’à ce jour ; et c’est alors que Malthus donna au monde les « Principes de population, » au moyen desquels, disait-il à ses lecteurs, ils pourraient comprendre les causes de cette pauvreté « et de cette misère que l’on observe parmi les classes inférieures de la population, » et des échecs répétés des classes supérieures dans leurs efforts pour les soulager. Le Dr Smith s’était aperçu que le système basé sur le travail à bon marché et sur le bas prix des matières premières, était lui-même l’œuvre de ces « classes supérieures, » et c’était auprès d’elles qu’il avait insisté pour l’abandon d’un système qui, à ses yeux, avait pour but l’asservissement de la population et l’affaiblissement de la société. Malthus, au contraire, trouvait la cause de l’esclavage dans une grande loi divine, grâce à laquelle il affranchissait ces « classes » de toute responsabilité « à l’égard de la pauvreté et de la misère, » qu’elles s’étaient efforcées « de soulager » avec si peu de succès ; il leur permettait ainsi de fermer leurs bourses et même leurs cœurs aux inspirations les plus vulgaires de la charité, en leur suggérant cette réflexion, que s’ils pouvaient, en aucune manière, « se placer entre l’erreur et ses conséquences, » « s’opposer au châtiment » attaché à la procréation d’individus de leur espèce, par d’autres individus qui n’avaient pas préparé à l’avance les ressources nécessaires pour nourrir et élever leurs enfants (châtiment qui consiste dans la pauvreté, la misère et la mort), « elles perpétueraient le péché[1] » et se rendraient elles-mêmes complices du crime. Dans ces deux phrases, on peut trouver les différences réelles qui existent, entre l’économie politique d’Adam Smith et l’économie politique moderne admise, depuis, si généralement. La première cherche à étendre le commerce, à développer l’intelligence, à accroître les facultés et la liberté de l’homme ; la seconde, à étendre l’empire du trafic, à confiner la masse de l’espèce humaine aux travaux qui ont pour but la culture et le transport des denrées, et, en définitive, à rendre l’homme esclave de la nature et de son semblable.

  1. Revue d’Édimbourg, octobre 1849, article intitulé. Philosophie sociale erronée.