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qu’on a inventé la théorie de Malthus, et c’est dans une de ces îles mêmes qu’on rencontre l’immense trésor de faits sur lesquels on a tenté de s’appuyer. La France a souffert gravement de la guerre, mais elle maintient un système qui tend à favoriser le développement du commerce, et, conséquemment, elle progresse en richesse et en puissance. Le Portugal, excepté pendant la période de 1807 à 1812, a presque toujours échappé à la guerre ; cependant sa richesse et sa puissance diminuent, à raison de sa soumission complète aux influences épuisantes du trafic.

§ 6. — Le pouvoir de faire le mal, lorsqu’il est dirigé dans des vues préjudiciables à autrui, existe partout en proportion de celui de faire le bien, lorsqu’il est guidé dans la voie de la justice.

Plus est rapide la circulation dans une société, plus est considérable la puissance dont elle peut disposer et plus est grande la tendance à l’accroissement de la somme de cette puissance. L’espèce humaine profitera-t-elle de la richesse et de la force que cette société acquerra ? cela dépend entièrement de l’esprit dans lequel celle-ci est dirigée. Mal dirigée, sa puissance pour le mal est aussi considérable que sa capacité pour le bien ; aussi voyons-nous partout que le poids accablant de la tyrannie est en raison directe de la liberté des individus, qui exercent le pouvoir. Un peuple tyran est un monstre à tête d’hydre ; comparé à ce peuple, un souverain absolu cesse d’être dangereux. La civilisation des Athéniens leur donna la puissance, et lorsqu’ils furent devenus les arbitres de la vie et de la fortune de milliers de villes soumises à leur empire, ils se montrèrent les plus durs de tous les maîtres ; chacun d’eux étant un souverain, dont le revenu devait s’accroître par des mesures tendant à épuiser ses sujets. Les aristocraties de Carthage, de Venise et de Gènes étaient moins oppressives, le nombre des maîtres étant moins considérable. Le despotisme de Charlemagne était léger en comparaison de celui de l’aristocratie qui lui succéda ; ainsi que fut celui de Louis XI, comparé à l’état anarchique des règnes de Charles VI et Charles VII, dans ces temps où il n’existait d’autre loi que la force ; où des rois et des ducs avaient recours à l’assassinat pour se débarrasser de compétiteurs incommodes ; où le pillage et le meurtre, en la personne d’hommes tels que La Hire, Dammartin et Saintrailles, réclamaient et obtenaient les emplois les plus honorables de l’État. Il en fut de même à l’égard du despotisme de Louis XIII comparé à l’anarchie de la Ligue, ainsi que du despotisme de Frédéric III comparé avec celui des nombreux petits despotes qui, jusqu’à ce jour, avaient dis-