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mieux connus que le tout qu’elles constituent ; de telle façon que, dans ce cas, nous devons procéder du simple au composé ; mais la méthode inverse est nécessaire dans l’étude de l’homme et de la société ; l’homme et la société, pris dans leur ensemble, nous étant mieux connus et étant pour nous des sujets d’étude plus accessibles que les parties dont ils se composent. Si nous explorons l’univers, c’est comme ensemble qu’il est impénétrable pour nous ; tandis qu’en examinant l’homme ou la société, la difficulté qui nous arrête consiste à pénétrer les détails. Nous avons vu dans notre tableau de la biologie, que l’idée générale de la nature animale est plus distincte pour nos esprits que la notion plus simple de la nature végétale ; et que l’homme est l’unité biologique ; l’idée de l’homme étant à la fois l’idée la plus complexe et le point de départ de la spéculation par rapport à l’existence vitale. Ainsi, si nous comparons les deux moitiés de la philosophie naturelle, nous trouverons que, dans un cas, c’est le dernier degré de composition, et dans l’autre le dernier degré de simplicité, qui dépasse le but que peuvent atteindre nos recherches[1]. »

Ceci semblerait être un retour à ce que M. Comte appelle ordinairement la période métaphysique de la science. Dans les siècles passés un philosophe aurait dit pareillement : « Ces masses de granit nous sont mieux connues que les parties dont elles se composent, et, en conséquence, nous bornerons nos recherches à résoudre cette question : Comment sont-elles arrivées à la forme sous laquelle elles existent, et à la position qu’elles occupent actuellement ? ». Sans l’analyse du chimiste, il nous eût été aussi impossible de pouvoir « pénétrer dans les détails » du bloc de pierre, et d’acquérir ainsi la connaissance de la composition des montagnes éloignées auxquelles il avait été emprunté, qu’il le serait aujourd’hui de pénétrer dans les détails des sociétés qui ont disparu, si nous ne vivions pas au milieu d’autres sociétés, composées d’hommes dotés des mêmes dons naturels, animés des mêmes sentiments et des mêmes passions dont nous avons observé l’existence chez les hommes des temps passés, et si nous n’étions pas également en possession des milliers de faits accumulés pendant les

  1. Philosophie positive, traduction de Miss Martineau, tome II, page 82