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plus on était certain de le voir s’affranchir des scrupules, dans les mesures à l’aide desquelles il cherchait à se l’assurer. S’il en eût été autrement, c’eût été une contradiction avec tous les enseignements que nous fournit l’histoire du monde ; et si, dans l’avenir, à une époque quelconque, le peuple de l’Union américaine était assez malheureux pour avoir des colonies, et qu’elles ne se montrassent pas alors, infailliblement, les dominatrices, les plus tyranniques et les moins scrupuleuses, ce fait constituerait l’un des plus remarquables de l’histoire. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner, que nous devions au peuple le plus libre de l’Europe l’invention du système retracé par nous dans les chapitres précédents, le plus oppressif et le mieux fait pour épuiser les nations, parmi tous ceux qui ont jamais existé.

On n’avait jamais rien imaginé qui pût lui être comparé à l’égard de sa capacité pour le mal. Les invasions par des bandes d’individus armés sont accompagnées du pillage des propriétés, de massacres et de la suspension temporaire du commerce ; mais, avec le retour de la paix, les hommes peuvent, de nouveau, associer leurs efforts, et, au bout de quelques années, tout revient au même point qu’auparavant. Mais il n’en est pas de même, relativement aux invasions qui ont pour but de substituer, d’une façon permanente, le trafic au commerce. Car, sous leur influence, la puissance d’association disparaît, le développement de l’intelligence diminue, et, peu à peu, l’homme perd tout l’empire qu’il avait conquis sur la nature. Lui-même alors diminue de valeur, tandis que celle des denrées nécessaires à son entretien augmente aussi régulièrement ; et à chaque pas fait dans cette direction il devient de plus en plus asservi. Dans le premier cas, c’est une secousse subite, dont le malade peut se remettre avec des soins ; tandis que, dans le second, on ouvre les veines et on laisse le sang, source de la vie, s’écouler lentement ; on rend ainsi la guérison plus difficile chaque jour, et finalement survient la mort. De tous les pays de l’Europe, aucun n’a été aussi souvent envahi que la Belgique, aucun n’a souffert autant des maux irréparables de la guerre ; et cependant, à toutes les époques, elle est restée au rang des nations les plus prospères. De tous les pays, les seuls qui, pendant une longue suite de siècles, n’ont presque jamais été profanés par la trace d’incursions ennemies, sont les îles Britanniques ; c’est là cependant